Qu’est-ce qu’un Museomix ?
Il s’agit d’événements proposés par des musées volontaires pour repenser, réinventer le lieu, proposer de nouvelles expériences, sortir des cadres et mettre une communauté en marche et en réflexion.
Sur un temps court (trois jours), il s’agit de regrouper des profils aussi variés et complémentaires que des designers, informaticiens, geek, scientifiques, artistes, ingénieurs, historiens, développeurs, etc. Ils ont pour mission d’imaginer des prototypes qui permettent un meilleur accès aux œuvres du musée. "L’expert contenus garantit un prototype basé sur des faits scientifiques, le bricoleur le fabrique, le développeur le fait fonctionner, le graphiste rend le prototype visuellement attractif, le communicant le documente et le diffuse (sur internet et les réseaux sociaux), et le médiateur propose cette expérience à vivre au visiteur." explique Muriel Molinier]. "Autour de ces équipes pluridisciplinaires gravitent d’autres personnes qui endossent également des rôles précis. Les facilitateurs aident à la coordination des membres d’une même équipe, mais n’en font pas partie. Les ingénieux sont des référents internes ou externes, spécialistes ou professionnels dans un domaine ou une compétence (musée, histoire de l’art, technologie, médiation…) que les participants peuvent solliciter pour un éclairage plus spécifique." Les Muséomix sont portés par une communauté de personnes bénévoles, telle que celle à laquelle appartient Maryliyne Barisic, qui organise, accompagne et assure la diffusion des événements.
Qu’est ce qu’un Edumix ?
Lancés en 2011, les Museomix essaiment dans d’autres domaines, tels que celui de l’éducation. Ainsi en février a eu lieu un EDUMIX auquel Marilyne a assisté. Reprenant les mêmes principes qu’un Museomix pour repenser l’école, cet événement a réuni une diversité d’acteurs autour d’élèves, d’enseignants, de personnels éducatifs. A Lyon, ce sont les équipes d’Erasme et le réseau des Learning Lab Network qui ont organisé cet événement avec pour objectif de décloisonner des habitudes et renforcer des communautés et à terme améliorer les apprentissages et le quotidien des élèves. Certains collègues professeurs documentalistes imaginent même des CDI-Remix, comme cet exemple proposé par Camille Ducros..
Marilyne, vous êtes très engagée dans diverses actions citoyennes. Pouvez-vous nous présenter vos divers engagements ?
En effet, l’action associative a toujours été importante pour moi depuis que je suis étudiante. Depuis 2012, je me suis plus particulièrement impliquée dans la communauté Museomix en tant que bénévole et depuis 2014 j’ai lancé la constitution de la communauté locale Museomix Midi-Py, puis, l’été dernier, l’association porteuse du mouvement dont je suis présidente. Je fais aussi partie du collectif du Temps des Communs pour lequel je participe à la coordination. Enfin, je fais partie de la Discosoupe, un collectif qui vise à sensibiliser sur le gaspillage alimentaire grâce à des évènements participatifs et festifs pour cuisiner des fruits et des légumes sauvés de la benne.
Avant de revenir dans les détails de certaines de ces activités, qu’est-ce qui vous motive dans cette voie ?
Le partage, la rencontre, la création de liens humains et la richesse que cela produit.
On vous sent très proche de la notion de Communs ? Comment la situez-vous dans vos actions ?
Elle est au cœur de mes actions et c’est ce qui matérialise ce lien humain qui se crée, s’enrichit… Nous sommes tous reliés par les Communs que ce soit la langue, la culture, le climat, si chacun pouvait prendre conscience de cela et se sentir relié et à même hauteur que tout le monde ce serait formidable pour nous tous.
Sur la question des Communs à l’école : diriez-vous utopie ? Illusion ? Ou réalité ?
Je pense que l’école est un commun non reconnu qui produit des Communs. En fait, ce n’est pas mis en avant, pas visible et surtout on n’encourage pas cette production. Il y a par exemple les TPE, les projets produits par les élèves et les professeurs, ce serait bien de les mettre plus en avant.
Revenons sur les remix. Ce sont des évènements qui visent à transformer un lieu : un musée, un collège… Pour un musée, il s’agit de repenser plus précisément les médiations mises en œuvres pour rendre accessibles les œuvres. Avez-vous un ou des exemples concrets à nous raconter pour mieux comprendre les objectifs ?
Un remix c’est aussi l’idée que le citoyen peut se réapproprier des « sanctuaires » de la culture comme le sont les musées, qu’il peut rencontrer et même travailler avec les équipes en charge de ces lieux. Dans un délai très court, on peut voir la preuve de cette rencontre. Pour exemple, le prototype créé par l’équipe dont j’ai fait partie au Museomix de 2012, au musée de Fourvière à Lyon. Nous avons remixé une maquette d’un quartier romain dont la ruine est encore visible aujourd’hui à deux pas du musée. Problème : personne ne s’arrêtait devant cette maquette et n’allait encore moins voir les ruines. Nous avons créé un dispositif pour raconter l’histoire de ce quartier et écouter d’une oreille indiscrète les conversations qui pouvaient se donner dans les maisons à l’époque. Chaque conversation de chaque maison est un bout de l’histoire (une sitcom entre « Plus belle la vie » et « Rome ») et la fin est à entendre sur les ruines. Résultat : le dispositif est en place depuis 5 ans au musée, les visiteurs apprennent l’histoire de ce quartier en s’amusant et vont voir les ruines !
Un des principes de Museomix est l’inclusion. Comment arrivez-vous à toucher un maximum de publics variés lors des remix ?
Et bien, c’est justement un objectif qui est bien rempli avec les publics qui viennent visiter les musées remixés, il y a des familles, des gens de tous âges, jeunes, moins jeunes, et surtout en général la moitié des visiteurs qui n’étaient jamais venus ! Par contre, une grande partie fait plutôt partie des CSP+, étudiants…
Pour les museomixeurs, on arrive peu à peu à toucher des personnes de milieux diversifiés mais c’est encore très lié au milieu culturel. On y travaille, notamment pour toucher plus de bricoleurs, de développeurs ou d’autres profils.
Les museomix sont nés d’un constat de décalage entre les pratiques de médiation mises en place par les musées et les pratiques liées au numérique et aux réseaux sociaux. Le visiteur devient acteur. Comment se manifeste cette mutation ?
En effet, le numérique a remis musées et visiteurs un peu au même niveau. C’est toute une culture de la culture qui change. L’interactivité devient de plus en plus présente et c’est positif pour tout le monde. Le numérique est un moyen pas une finalité car il apporte cette notion d’innovation, de hack, de brisage de limites… Les musées et les visiteurs intègrent de mieux en mieux ces nouvelles manières d’explorer, d’entrer en contact avec des évènements participatifs comme museomix, des live tweets, des applis de visite… Mais il y aurait encore du travail pour que le collaboratif et le participatif reste, même en enlevant la notion de numérique. De sorte que la culture ne se transmette plus du haut vers le bas mais horizontalement, ou du bas vers le haut.
La communauté semble avoir une place essentielle lors d’un remix. Comment se constituent-elles et se pérennisent-elle ?
Excellente question, je dirais que c’est la magie des relations humaines et des projets humanistes ! A mon sens, le fait d’avoir des intérêts communs, une vision commune et une grande envie de changer les choses pour une culture moins figée et plus horizontal est ce qui nous lie. Et puis, Museomix c’est plutôt cool, les rencontres sont des plaisirs, la gouvernance est horizontale, c’est la culture de l’aperomix (des temps mensuels de rencontres) qui est fondamentale ! L’organisation de l’évènement Museomix au Musée Saint-Raymond en novembre 2016 à Toulouse a permis d’asseoir un collectif-cœur très motivé.
Vous avez participé début février à un Edumix au collège Elsa triolet de Vénissieux (banlieue lyonnaise). C’est une sorte de brainstorming géant qui a réuni plus de 80 personnes, y compris des élèves. Cet événement s’est voulu « créatif et participatif pour réinventer lieux et pratiques d’enseignement ». Dans la présentation sur le site de l’événement, on peut lire les objectifs :
> Décloisonner des habitudes et des communautés <
> Initier et renforcer une communauté d’innovateurs <
> Former aux méthodes agiles <
> Commencer la transformation numérique d’une institution <
> Ouvrir des pistes innovantes <
Alors défis relevés ?
En partie, oui ! C’était tout d’abord une belle rencontre de divers acteurs du collège pour voir ce lieu autrement, ouvrir les barrières que représente le collège « sanctuaire de la République ». C’est une première et je pense qu’elle va faire des émules car c’est tout à fait légitime que les usagers du collège, profs, élèves, parents d’élèves, surveillants… soient acteurs de ce lieu qu’ils habitent et qui paraît souvent désincarné.
Les équipes constituées sont pluridisciplinaires. En quoi est-ce une exigence ?
Pour favoriser l’échange, la rencontre avec des personnes qui ne font pas partie de nos cercles habituels, ouvrir les barrières de la créativité. Cette pluridisciplinarité permet aussi d’avoir des personnes avec des profils de communicants, de designers, de graphistes… qui savent prototyper et communiquer pour favoriser l’émergence d’un prototype à la fin du temps imparti. Le facilitateur est le pivot de cette complémentarité pour que chaque individu ait une voix égale et construire l’intelligence collective.
Qu’est-ce que les musées ou les collèges peuvent retenir de ces temps forts ?
Mais mon ressenti personnel est que c’est la preuve qu’on a tous quelque chose à apporter d’où que l’on vienne et que l’intelligence collective est assez magique pour « dé-sanctuariser » de tels lieux pour notre bien à tous.
Quelques collègues professeurs documentalistes s’inspirent de ces communautés pour organiser des CDI-Remix. Qu’est ce qui est selon vous transférable pour repenser les CDI ?
Le CDI est un lieu idéal à remixer pour le rendre peut-être plus favorable aux échanges, qu’il soit un lieu de vie et un lieu où les élèves se sentent bien.
Selon vous, une des clés du succès des remix est l’émergence de besoins exprimés par une communauté dans son ensemble (d’usagers d’un musée, ou une équipe éducative). Pouvez-vous nous expliciter en quoi cela vous semble central ?
Nous sommes tous des usagers de divers lieux, nous nous sentons bien quand ils sont adaptés à notre usage, c’est ainsi que nous allons y aller avec plaisir. Quand ces lieux sont des lieux de rencontre, de culture et d’apprentissage, c’est d’autant plus important pour la transmission, pour créer des échanges… On a tous déjà ressenti le fait de ne pas être assez pris en compte, et en même temps nous n’avons pas forcément les clefs pour être acteurs. Les remix se placent là, dans cette toute petite brèche pour l’élargir et faire entrer d’autres manières de faire.
Avez-vous des conseils à donner dans ce sens pour les collègues qui voudraient organiser un CDI-remix ?
A mon sens, la préparation en amont est fondamentale. Le remix, c’est une culture à intégrer pour en voir tous les bénéfices. Mais pour cela, il faut prendre du temps, le temps d’expliquer, le temps de tester, le temps de communiquer, d’écouter… C’est fondamental que l’équipe enseignante soit informée et impliquée, ainsi que les élèves et les parents d’élèves.
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