L’enseignement de spécialité Informatique et sciences du numérique : quelle place pour le professeur documentaliste ?

par Marie Nallathamby

« Pour aider nos enfants à "piger pourquoi on clique" :
à comprendre donc s’approprier et maîtriser sans subir
la société numérique qui est la notre aujourd’hui » Gérard Berry, juillet 2008

https://www.ac-paris.fr/portail/jcm...https://www.ac-paris.fr/portail/jcm...Le 13 octobre 2011 paraissait au B.O le programme de l’enseignement de spécialité « Informatique et sciences du numérique » pour les classes de terminale de la série scientifique (S).
L’objectif de cet article est de mettre en avant les potentialités pédagogiques offertes à l’enseignant documentaliste, en collaboration avec le professeur chargé de cet enseignement ISN.

En guise d’introduction

Partant du constat qu’une « faible partie de la population maîtrise les mécanismes fondamentaux » régis par les mutations engendrées par l’informatique et le numérique, cet enseignement souhaite contribuer à la réduction de cette « fracture ».
Les professeurs pouvant prétendre à la certification permettant d’enseigner l’ISN sont les professeurs de sciences (mathématiques, physique etc...) et de sciences de l’ingénieur. (Du moins en ce qui concerne l’académie de Toulouse).
Dans cette même académie, 20 lycées publics et 7 lycées privés [1] ont mis en place cet enseignement à la rentrée 2012.
Cet enseignement ne vise cependant pas à former des experts en sciences informatiques et numériques : il s’agit de la découverte de notions fondamentales et des questions sociétales afférentes.

Le programme est découpé en 4 parties : représentation de l’information, algorithmique, langages et programmation, architectures matérielles et le professeur est invité à combiner ces savoirs et ces compétences par le biais d’une pédagogie de projet et sur des mises en activités régulières.

Une place pour le professeur documentaliste

Bien entendu, nous ne sommes pas (tous) experts en algorithmique donc il est peu probable que nous puissions intervenir directement sur ces points là. Cependant, le programme d’ISN ne se contente pas de savoirs purement scientifiques : en effet il s’agit aussi pour les élèves de prendre conscience des « transformations culturelles, socio-économiques, juridiques et politiques » induites par « l’intégration croissante du numérique » dans le quotidien. Et c’est à ce niveau là que nous pouvons légitimement trouver notre place en tant que professeur documentaliste. D’ailleurs le programme insiste sur l’aspect pluridisciplinaire de l’ISN et invite à une collaboration avec l’équipe pédagogique et à une complémentarité des approches. Le professeur en charge de l’ISN a pour mission d’impulser et de coordonner des projets.
Même si nous ne sommes pas cités explicitement, de nombreux points du programme peuvent nous concerner et nous intéresser. Outre les aspects liés à la recherche et à la production d’information (exposés, débats...), on peut citer les notions apparaissant dans le tableau suivant :

Les champs d’intervention possibles pour le professeur documentaliste
éléments de programmeactivités possiblesressources
Opérations booléennes (présentation des opérations booléennes de base) - Aspects historiques (Théorie des ensembles de George Boole)
Exercices simples de recherche sur des outils de recherche en ligne de type moteur de recherche. Introduction des notions de bruit documentaire
Numérisation - Distinction entre un document numérisé et un document numérique. S’appuyer sur l’exemple des numérisations massives à travers des projets de bibliothèques numériques (projet Gutenberg, Gallica, Google Books) Voir le documentaire « Le livre selon Google » diffusé sur Arte le 2 avril 2013
Structuration et organisation de l’information -Le programme fait mention des systèmes d’organisation des fichiers en dossier, de la liaison des documents par des liens hypertextes mais on peut aller plus loin avec l’introduction de la notion de data-visualisation et de design de l’information par le biais de différents outils en ligne permettant une « mise en spectacle » des flux d’information. Faire prendre conscience aux élèves par l’observation et la manipulation de ces outils de la multiplicité de formes que peut prendre l’information. Breathingearth.net : carte interactive permettant d’observer les naissances, décès et taux de CO2 en temps réel
RSOE - Emergency ans Disaster Information Service : carte mondiale interactive permettant de visualiser en temps réel les catastrophes et situations d’urgence
visual-literacy.org : une table périodique présentant différentes méthodes de visualisation
Neoformix : outil de création de data-visualisation et de design de l’information.
Persistance de l’information - Notion de trace, présence et identité numériques (activité possible de googlisation etc...) On peut consulter les séances mises en place par Richard Peirano Traces numériques à destination d’élèves de seconde.
Non-rivalité de l’information (prendre conscience de la non-rivalité des biens immatériels, distinguer différents types de licences [libres / propriétaires]) - Sujet plus que d’actualité : enjeux économiques, politiques, différence entre libre / propriétaire, débats autour de ces licences. On pourra insister davantage sur la place des biens communs dans la société Voir le Scoop-it « Biens communs : commun, commons, communauté » d’LN Mulot
Voir l’entretien avec Bastien Guerry, co-fondateur du projet move-commons
Voir le site SavoirsCom1 : politique des biens communs de la connaissance
Langages de description (présentation du langage HTML) - Eléments historiques à mettre en relation avec la naissance du web, découverte d’autres langages de balisage (XML...) Voir, sur le site de Francetv éducation Le HTML par lui-même partie 1 et partie 2.

Ce tableau est loin d’être exhaustif en terme d’activités pédagogiques possibles et de ressources et il peut être complété au fur et à mesure de vos suggestions et actions.

Quelle formation pour les enseignants en charge de l’ISN (et les autres !) ?

Une plateforme d’autoformation à destination des enseignants ayant passé la certification a été mise en place : SILO (Science Informatique au Lycée : Oui !). Les enseignants y trouveront des « grains » de formation (une mention spéciale pour la métaphore agricole) : grains culturels, historiques, programmables ainsi que des cours vidéos et des compléments numériques au manuel Introduction à la science informatique édité par le SCEREN.

Pour aller plus loin

L’ISN concerne donc essentiellement les élèves de terminale de la filière scientifique. Pouvons-nous imaginer qu’un jour un tel enseignement puisse être proposé aux lycéens d’autres filières, sous forme d’enseignement d’exploration en seconde ou d’enseignement facultatif pour les autres niveaux ? Pour aller plus loin, un tel enseignement ne trouverait-il pas également sa place en collège voir même dès le primaire ? Le GRCDI (Groupe de recherche sur la culture et la didactisation de l’information) a déjà émis de telles suggestions en mettent en exergue une nécessaire complémentarité entre l’éducation à l’information (EAI), l’éducation aux médias (EAM) et l’éducation à l’informatique (EATIC) [2]. En mai 2013, l’Académie des sciences mettait également en avant l’urgence de la mise en place d’un enseignement de l’informatique en France. On pourra alors s’appuyer sur le programme de l’ISN et sur les différentes ressources mises à disposition (SILO etc...) pour réfléchir à la mise en œuvre d’une éventuelle progression dès l’entrée en sixième. Une collaboration avec les professeurs de mathématiques, de sciences, de technologie pourra être menée et encouragée.