Le collège était peuplé de jeunes professeurs nouvellement nommés et dont c’était pour la plupart, un des tout premier postes. Le personnel non enseignant était à l’unisson, en particulier le couple des concierges. Tout cela n’engendrait pas la mélancolie, et je dois dire que nos relations, tout au moins dans les premières années du collège furent excellentes. Plus d’une fois nous nous retrouvions le Dimanche pour des randonnées et pique nique dans la garrigue, ou bien nous nous rendions à Nages en empruntant l’ancienne voie romaine jusqu’à l’oppidum.. Ou alors des excursions spéléologiques, comme je l’ai déjà dit.
Pour autant que je me souvienne de cette époque, il n’ y eut que de très rares problèmes entre nous, ou avec le personnel de service. Mais tout cela était traité par la plaisanterie et n’allait guère plus loin.
Je ne sais plus pourquoi, une année, et pendant quelques semaines, le ménage du CDI ne fut pas fait. Or, il n’y a rien qui ramasse autant la poussière que des rayonnages pleins de livres, sans parler de la moquette !! Au bout de quelques jours, l’atmosphère devint carrément poussiéreuse, et les moindres déplacements faisaient que tout le monde éternuait et toussait en chœur dans le CDI.
Agacé, j’avais plusieurs fois alerté les services concernés... sans succès ! Alors, un beau jour, fatigués de cet état de chose, Francis et moi nous rendîmes chez notre collègue de SVT, et à l’infirmerie, pour nous procurer des blouses blanches et de la gaze. Au cuisine, on nous avait prêté une toque blanche. Affublés de la blouse blanche, d’un paquet de gaze stérile sur le nez et la bouche, et de la toque blanche, comme des chirurgiens dans un bloc opératoire, simulant en permanence des accès de toux incoercibles, nous avons travaillé et nous sommes promenés ainsi pendant deux jours dans l’Etablissement, excitant l’hilarité générale des collègues et des élèves, dont certains tâchaient déjà de nous imiter...
Mais ce fut efficace. Le troisième jour, une équipe de dépoussiérage vint nettoyer le CDI à fond, et rendre à nouveau notre atmosphère respirable..
Nous avions genre de démêlés avec l’intendance, qui, il faut le dire à sa décharge, n’y pouvait quelquefois pas grand chose.. elle même.
Une autre fois, un hiver, le CDI se trouva complètement démuni de chauffage... On se serait cru dans une chambre froide chez le charcutier. Or, pendant que nous nous congelions sur pieds, nous pouvions apercevoir les fenêtres ouvertes de l’aile administrative qui nous faisait face et dans laquelle on crevait de chaleur. Comme j’étais aller élever des protestations indignées, on m’expliqua que le CDI « était en bout de circuit », que les tuyaux « étaient trop petits », la circulation de l’eau chaude malaisée.. et autres fadaises du même tonneau.
Ma patience, à l’époque, était courte. Un dimanche, où nous avions fait notre partie de ping-pong habituelle avec Francis et le concierge, je me fis remettre par ce dernier les clés de la chaufferie.. et j’allais fermer les vannes du chauffage de toute l’aile administrative afin de leur faire goûter les mêmes désagréments que nous ! Le résultat ne se fit pas attendre. Séance tenante le lendemain, des techniciens furent mandés et commis. Et curieusement, nous retrouvâmes le chauffage en même temps que l’administration, en dépit de notre position « en fin de circuit » et de la minceur de nos tuyaux.
Je pense, avec le recul, qu’on devait quand même nous trouver pénibles, quelque part...
Cependant il serait faux de prétendre que ces ennuis furent monnaie courante. D’ailleurs si je m’en souviens encore, c’est que justement ce fut exceptionnel.
Je me souviens aussi d’une autre absurdité manifeste dont je me demande quand même si ça a duré après mon départ, je ne m’en suis plus jamais préoccupé bien sûr. Figurez vous que lors des exercices obligatoires d’incendie, la sortie d’urgence qui était assignée aux occupants du CDI donnait sur un toit en terrasse dépourvu de balustrade et du moindre escalier extérieur, à dix mètres de hauteur !! De telle sorte qu’en cas d’incendie réel, il aurait fallu une échelle de pompier pour nous extirper de ce piège aérien.. Et puis nous n’étions jamais tranquille là haut lors des exercices trimestriels, car j’avais toujours peur d’un accident.
Dans l’ensemble pourtant, tout allait bien dans le meilleur des mondes du collège, et l’atmosphère générale était faite de courtoisie, de collaboration et d’amitié.. Et puis un beau jour, nous changeâmes de patron... Il nous échut un vrai phénomène. Persuadé qu’il savait tout, il n’écoutait rien, et tenait les enseignants pour des attardés mentaux qu’il convenait de régenter sans merci et sans civilité. Et tout changea, tant il est vrai que ce personnage a un immense pouvoir sur le relationnel justement, et pas mal d’autres choses, dans les Etablissements où il exerce..
C’est pourquoi, au bout de deux années scolaires, et à la suite de navrantes péripéties abracadabrantes, que je n’ai pas envie de raconter ici, j’éprouvais alors -parmi pas mal d’autres- le besoin de changer d’air. Le pourcentage de ces phénomènes étant identique dans tous les métiers, il est bien rare si on n’en rencontre pas au moins un dans toute carrière, où que celle ci se déroule. Ce sont les icebergs inévitables qui dérivent dans toutes les professions. Après avoir coulé un ou deux bâtiments sans le savoir vraiment, ils finissent à la longue par se dissoudre dans le néant...
N’étant pas arrivé à m’habituer de communiquer par écrit avec ce personnage auquel je n’adressais plus la parole depuis de longs mois, j’envisageais donc de demander ma mutation pour n’importe où de préférence. C’est alors que, par un miracle particulier du dieu qui veille aux destinées des documentalistes de bonne volonté, j’appris qu’on venait de créer un CDI au collège de La Grand’Combe, mon pays natal. En effet, c’était le début de l’implantation des zones ZEP, et le CDI ainsi que le poste afférent venaient d’être créés.
Je demandais ce poste immédiatement. Et je n’eus pas de peine à l’obtenir car à l’époque on ne demandait pas volontiers les ZEP, réputées zones dangereuses !! Moi, ça ne me dérangeait pas du tout et, après ce que je venais d’endurer, partir en ZEP, chez moi, me parut idyllique.
Je dois dire tout de suite, et sans la moindre hésitation, que ça l’a été !!
Quant au phénomène qui nous avait persécuté, je ne sais pas et n’ai jamais cherché à savoir où il était aller exercer ses talents, et sa curieuse façon de faire dans le relationnel.
FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE
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