Je débarquais, pour la deuxième fois de ma carrière, dans un CDI neuf, mais vide. Pourtant, il y avait de notables différences avec la première mouture, à Nîmes.
D’abord, les livres et les meubles existaient bel et bien, mais, lors des travaux d’aménagement du CDI, on les avait stockés en attendant, pas très loin du CDI, et sur le même palier, dans une réserve. On avait vidé pour cela une salle qui tenait lieu de Bibliothèque auparavant. Il y avait là, soigneusement empilés tout un tas de cartons pleins de livres et de revues...
Deuxième différence et non la moindre, j’étais définitivement seul pour faire le travail.... et ça, ce fut difficile, au moins au début, habitué que j’étais à travailler à deux.
Le collège est une construction qui date de 1923. A l’époque, il avait été rebaptisé collège relativement récemment, prenant la suite de ce que l’on appelait alors le CES... Les Grand’Combiens mirent longtemps à adopter la nouvelle appellation.
C’était (c’est toujours) une vénérable bâtisse qui s’élève sur trois étages, entièrement construite en pierres de taille, et dotée d’un toit en ardoise, véritable curiosité dans notre région. L’architecte était tourangeau, semble-t-il, et ceci explique peut être cela. Les vastes combles devaient par la suite être aménagés lors de la rénovation du collège en 1995, pour accueillir une partie de mon nouveau CDI. J’aurais l’occasion d’y revenir.
La bâtisse n’avait jamais été prévue pour abriter un collège mais les Bureaux Centraux de la Compagnie des Mines de La Grand’Combe. Ce bâtiment tomba dans le giron municipal après la disparition de la dite Compagnie, et la mairie en fit un Collège.. mutatis mutandis....
Au rez-de-chaussée se trouvent quelques salles de classes, mais surtout l’Administration. Une cour assez petite donne sur un préau, sur les classes ateliers de menuiserie et ferronnerie qui existent depuis les origines du collège. Le réfectoire et les cuisines se trouvent en contrebas, à l’entresol. Il y a au dessous de vastes caves...
Les locaux du nouveau CDI avaient été pris sur l’aile droite du premier étage, en aménageant un passage entre cinq salles de classe, et en absorbant dans le nouvel espace la totalité de l’ex couloir d’accès. Cet espace, sans être gigantesque, n’était pas si mal que ça.. Il est vrai qu’en 1982, il y avait presque neuf cents élèves au collège. Le principal intérêt de ce CDI là, que j’ai souvent regretté après la rénovation du collège, c’est que, vu l’épaisseur des cloisons porteuses, en belle pierre molassique Les carrières de molasse se trouvent dans la région nîmoise. [1], on n’avait pas pu tout casser !!! On avait donc aménagé une porte normale entre les salles, plus la totalité de ce qui avait constitué le vaste couloir d’accès aux anciennes salles de classe. La circulation dans le CDI était donc aisée, la visibilité excellente, et en plus, l’épaisseur de ces cloisons (cinquante à soixante centimètres de pierre) assurait une très bonne isolation phonique. J’avais donc à ma disposition une série de vastes espaces insonorisés et le plafond l’avait été de surcroit..!
J’en ai fait l’expérience des dizaines de fois. Dans chacune des salles ouvertes et communicantes, on pouvait accueillir sans problème une classe entière. Dans ce CDI, on pouvait par exemple organiser simultanément une table ronde de lecture dans une salle, dans l’autre une séance d’initiation à la recherche sur ordinateurs, dans la troisième une projection vidéo, et de mon bureau situé dans la première salle, on n’entendait pratiquement rien. Dans la dernière salle, qui fermait elle, par une porte, je stockais mon matériel audio visuel. Mais un jour, un matin, en arrivant au CDI, j’eus la désagréable surprise d’avoir été cambriolé. C’est pourquoi cette pièce fut nantie séance tenante d’une porte blindée fabriquée sur place dans l’atelier fer du collège et sur laquelle fut montée une serrurerie à plusieurs points d’ancrage digne d’un coffre fort. L’ensemble pesait un poids respectable et il fallut se mettre à plusieurs pour poser le monstre sur des gonds spéciaux. Les élèves de l’atelier fer s’en donnèrent à cœur joie toute la journée, mais mirent leur point d’honneur avec leur professeur à terminer le travail dans les délais. C’est vrai qu’au collège, les ateliers menuiserie et fer fabriquèrent de nombreux équipements en général et pour le CDI en particulier. Je ne compte plus le nombre de meubles et d’étagères qu’ils me fabriquèrent... Les gamins étaient évidemment ravis que leur travail soit apprécié et utile. A partir de ce jour, je me promenais donc nanti d’un trousseau de clefs digne d’un geôlier professionnel, qui perforait régulièrement mes poches..!!
Le sol du CDI était revêtu d’une moquette rase, les salles étaient bien éclairées par de vastes fenêtres et on avait posé des rampes de lampes électriques nombreuses mais de type "économique", car l’intendance avait prévu d’entrée de limiter les frais d’éclairage !! Les cévenols sont nés gestionnaires, j’aurais l’occasion d’y revenir !!
Ainsi, tout allait pour le mieux. Le seul véritable problème résidait ailleurs : ce magnifique bâtiment était trop petit !! Les salles étaient très vastes, mais peu nombreuses, pas assez en tous cas à l’époque. C’est pourquoi, de l’autre côté de la rue, il y avait un collège annexe, où se trouvaient les classes de 6° et 5°. Et ça n’était pas pratique. Mon problème immédiat fut d’organiser la fréquentation du CDI par les petits élèves. Heureusement, je trouvais une oreille attentive, et toute la compréhension nécessaire auprès de Juliette, l’inénarrable Juju, Conseillère d’Education chargée de l’annexe, que les élèves adoraient d’ailleurs. Nous fîmes installer un câble aérien au dessus de la rue, qui nous permettait de nous interphoner, car il n’y avait pas le téléphone intérieur à cette époque.
« Alain, j’ai une douzaine d’élèves qui ont un travail à faire sur Charlemagne. [2] Tu peux les prendre ?
- Envoie-les, Juju !! »
Et Juliette faisait accompagner un convoi par un surveillant à travers le passage clouté.. S’il n’y avait pas de surveillant disponible, j’y allais moi même d’un saut. Et il fallait les ramener de la même façon... Ce modus vivendi perdura de nombreuses années, jusqu’à la disparition de l’annexe, à cause de la chute des effectifs, eux-mêmes consécutifs à la fermeture progressive du Bassin Houiller.
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