Actions dans les bibliothèques et les centres de documentation pour le développement durable et l’Agenda 2030 Mobilisation du 25 septembre 2019

1 | par Hélène Mulot

Entretien avec Raphaëlle Bats, conservatrice de bibliothèque, en poste à l’Enssib (Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques) où elle est responsable de la mission Relations Internationales. Elle est l’autrice du blog : http://raphaellebats.blogspot.com/
Avec l’IFLA et d’autres associations, elle est à l’initiative d’un événement pour engager les bibliothèques et les centres de documentation pour participer au programme des 17 objectifs de l’Agenda 2030 identifiés par l’Assemblée Générale de l’ONU. Depuis plusieurs semaines, Raphaëlle Bats encourage les bibliothèques et centres de documentation et d’information à se mobiliser « parce que nous pensons que les bibliothèques sont des actrices du développement durable, dont les missions dépassent la culture et la formation »

Concrètement, en quoi consiste l’action du 25 septembre ?

Le 25 septembre se tiendra le sommet politique de haut niveau à l’ONU à New York, à l’occasion du troisième anniversaire du lancement de l’Agenda 2030. C’est l’occasion pour tous les acteurs engagés dans des démarches durables de promouvoir leurs actions et de montrer la nature de leur engagement. Parmi ces acteurs, les bibliothèques et les centres de documentation. Nous (et je reviens plus loin sur ce nous) avons pensé que cette date était idéale pour montrer le rôle des bibliothèques et centres de documentation dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 et d’une manière générale dans l’évolution de nos sociétés. Pour cette journée du 25 septembre, nous avons donc convié toutes les bibliothèques (territoriales ou universitaires) et les centres de documentation scolaire (publics ou privés sous contrat) français à se mobiliser. Deux actions sont proposées : afficher des cubes qui donnent des idées pour agir durablement, et afficher les actions durables de la bibliothèque. Pour découvrir ces propositions, vous pouvez vous reporter soit au document guide, soit à la vidéo explicative. Aujourd’hui, à l’heure où je vous réponds, déjà 450 bibliothèques ont rejoint le mouvement.

Qui est ce « nous » dont vous parliez ?

Depuis la fin 2016, l’Enssib, la Bpi (bibliothèque publique d’information), l’ABF (Association des bibliothécaires de France) et le Cfibd (Comité français international bibliothèques et documentation, sous l’égide de l’International Advocacy Program de l’IFLA, travaillent à sensibiliser les bibliothécaires à l’Agenda 2030, en tant qu’outil pour mettre en place des pratiques durables et en tant qu’outil de plaidoyer.
(https://agenda2030bibfr.wixsite.com/agenda2030bib/lequipe)

Peut-être faut-il que je fasse un détour par expliquer ce qu’est l’Agenda 2030. Il s’agit d’un programme de 17 objectifs à atteindre ou du moins à s’efforcer d’atteindre pour un développement durable de nos sociétés. Personnellement, je ne suis pas très favorable à cette notion de développement durable, voire pas du tout. En revanche, il me semble qu’aujourd’hui toutes nos actions, en tant qu’individus, mais aussi en tant qu’institutions et a fortiori institutions publiques, doivent s’inscrire dans une démarche globale pour que notre société dure et dans un temps qui dépasse de loin celui de nos existences. Dire cela, c’est aussi dire que ce caractère durable ne peut en aucun cas se restreindre au fait de conserver la société telle qu’elle se présente aujourd’hui. Pour ma part donc, je prends ces 17 objectifs de développement durable de l’Agenda 2030 comme 17 objectifs pour qu’un avenir soit possible. Ces 17 objectifs sont soit écologiques (défense faune et flore, lutte contre le changement climatique, etc.), sociaux (lutte contre la pauvreté, conditions pour une éducation de qualité, pour des villes sures, etc.) et économiques (emploi, innovation, etc.).

Bref, c’est dans ce contexte que nous avons travaillé sur trois enjeux : sensibiliser, encourager, convaincre.
• Donner des outils aux bibliothécaires pour sensibiliser le public aux 17 objectifs de développement durable, car ces objectifs sont l’affaire de tous. Les cubes que nous proposons pour le 25 septembre rentrent tout à fait dans cet enjeu.
• Donner des outils ou créer des occasions pour encourager les bibliothécaires à prendre conscience de leur rôle dans la réalisation de ces objectifs. La deuxième action que nous proposons pour le 25 septembre relève de cet enjeu. Il s’agit pour de voir si nous sommes des institutions durables et sur quels objectifs.
• Produire des documents ou des événements pour convaincre les élus et les décideurs que les bibliothèques sont des acteurs du développement durable et de l’Agenda 2030. Il s’agit là de plaidoyer et de lobbying pour la reconnaissance des lieux d’information et de documentation sur tous les aspects de la société et non pas seulement sur la culture et l’éducation. Là encore, la journée du 25 septembre vise à montrer aux ministères notamment combien les bibliothèques sont actives pour l’Agenda 2030.

Des conseils pour les collègues qui souhaitent se lancer ?

Un conseil simple : allez-y ! C’est simple, rapide et ça ne coûte que le prix des impressions. Nous préparons tous les fichiers, et il ne reste plus qu’à les imprimer. Dans le cas des cubes, il vous faudra des ciseaux et peut-être de la colle pour fabriquer vos cubes. C’est tout ! Dans le cas de l’action sur la bibliothèque durable, il s’agira aussi pour les équipes de réfléchir à leurs actions du point de vue de ces objectifs, mais c’est un bon exercice pour une rentrée.
Et nous restons à votre disposition, pour vous épauler, au besoin. Nous avons une boîte mail : agenda2030.bibfr@gmail.com

Vous disiez que les bibliothèques et centres de documentation français sont des acteurs de la mise en œuvre et en pratique du développement durable. Avez-vous quelques exemples pour illustrer cette idée et donner des pistes d’actions à nos collègues professeurs et professeures documentalistes ?

Une action simple est de déjà de sensibiliser les élèves aux enjeux des 17 objectifs de développement durable. Chaque objectif peut faire l’objet d’une sélection documentaire, d’une exposition, d’une rencontre, d’un débat, etc.
Une deuxième action est de se montrer soi-même exemplaire. En disant : par telle action dans mon CDI, je lutte contre la pauvreté, je défends la faune et la flore, etc., alors nous montrons qu’agir est possible, et c’est déjà beaucoup pour sensibiliser.
Enfin, nous avons fait une première collecte avec des actions menées par des bibliothèques et des centres de documentation pour illustrer chaque objectif. Vous pouvez vous en inspirer et même la compléter en nous envoyant des exemples de vos propres actions.

En quoi les thèmes de l’agenda 2030 (économie, écologie, société) rejoignent les préoccupations des bibliothèques et centre de documentation ?

L’Agenda 2030, visant à ce que notre société perdure (sous cette forme ou sous une autre), il rejoint nécessairement nos préoccupations. Malgré cela, nous ne nous rendons pas toujours compte que nous sommes déjà actifs sur de nombreux plans. Je prends l’exemple de la lutte contre la pauvreté. Quand une bibliothèque donne accès gratuitement à internet, elle participe de la lutte contre l’exclusion numérique (Objectif 1 : lutte contre la pauvreté). Quand une bibliothèque propose une grainothèque, elle participe de la sensibilisation à la diversité alimentaire (objectif 2 : alimentation). Quand une bibliothèque de recherche favorise la diffusion des résultats des recherches médicales, elle participe de l’évolution des pratiques de médicales et de soin (objectif 3 : santé). Et on peut continuer comme ça pour chaque objectif et avec tellement d’exemples pour illustrer chaque objectif, qu’il semble évident que les bibliothèques ont quelque chose à voir avec l’Agenda 2030 certes, mais surtout avec le devenir de nos sociétés.

Selon vous c’est quoi une bibliothèque durable ? Comment la question de l’écologie et du climat interroge-t-elle les bibliothèques ? Est-ce que des questions nouvelles se posent ?

Pour les mêmes raisons que précédemment, je pense que la bibliothèque est au cœur de l’évolution de notre société et que celle-ci aujourd’hui ne peut plus fermer les yeux sur les questions écologiques. A partir de là, à nous de voir comment nous servons ces objectifs écologiques : sensibilisation des usagers, constructions écologiques, etc.
J’attire cependant l’attention de vos lecteurs sur le fait que l’Agenda 2030 dépasse largement la question de l’écologie. Pour moi, il s’agit bien plus d’être éthique que durable.

Avez-vous des idées pour concrétiser les réflexions qui émergeront le 25 septembre ?

Plein ! On aimerait créer, à partir du travail mené par les bibliothèques pour définir en quoi elles ont été durables cette année, une liste d’indicateurs qui facilitera le travail de chaque bibliothèque qui souhaite être durable. On aura un travail important à mener également pour valoriser tout ça et montrer aux élus et décideurs que nous comptons dans l’équation. Enfin, j’aimerais bien qu’on lance un prix de la bibliothèque durable à partir de cette même grille. A suivre…

Vous venez de rendre votre thèse« de la participation à la mobilisation collective, la bibliothèque à la recherche de sa vocation démocratique », pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Effectivement, je viens juste de rendre mon travail et si tout se passe bien, je vais soutenir le 14 octobre. J’ai travaillé sur les intentions qui président à la mise en place de pratiques participatives dans les bibliothèques. J’ai essayé de montrer qu’elles répondent à des situations de crise de la sociabilité, de la représentation ou du débat démocratique, et partant de là, j’ai observé ce qu’elles entrainent ou de qu’elles manifestent de transformation du métier de bibliothécaire. Mon objectif était de mieux comprendre comment la bibliothèque joue un rôle politique dans une démocratie telle que la nôtre et comment la participation en bibliothèque renouvelle ce rôle. Cela ne vous étonnera pas si je vous dis que je pense que les bibliothèques n’ont pas juste pour projet de former les citoyens, mais qu’elles doivent aussi trouver les voies par lesquelles elles vont prendre une part active à la transformation de la société.

On pourra se référer à ses autres publications : http://raphaellebats.blogspot.com/p/publications.html

Et vous, vous faites quoi le 25 septembre ?

Moi ? Je me repose ! Ce sera à vous de jouer !

Partager cette page