Troisième partie : les années réseaux

Internet ou la déhiscence de la documentation

(actualisé le )

À ce moment-là, le réseau des réseaux a fait une apparition foudroyante dans le monde éducatif, avec ses mérites (nombreux) et ses (nombreux) défauts. Ce qui est tout à fait dans l’ordre normal des choses. Qu’est-ce que l’Internet sinon l’arrivée à maturité et en force de ce qu’il est convenu d’appeler l’Infodoc ? Mais comme la société n’invente et ne crée jamais rien qui ne soit pas basé sur l’Economie et la Rentabilité, il est clair que l’Internet n’a pas, a priori, une vocation culturelle éducative, altruiste et désintéressée !! Cependant, comme je le pense depuis toujours, et comme je l’ai déjà dit et écrit, le rôle principal des enseignants et des documentalistes en particulier reste de réfléchir en permanence à l’utilisation éducative des outils que la société de leur temps met à leur disposition.

Il est évident, sans être grand clerc, que l’enseignement, face à ce déferlement d’informations plus ou moins douteuses, plus ou moins vérifiées, doit réagir en enseignant l’infodoc, soit l’art et la manière de savoir bien s’informer. Vaste programme et redoutable équation. Pourquoi ? Tout simplement parce que, de nos jours, tout concepteur d’un instrument médiatique d’information essaie de le rendre le plus convivial possible, le plus simple d’accès possible pour des raisons strictement mercantiles. Mais le danger corollaire, c’est que cette facilité d’emploi ne soit confondue avec la facilité d’acquérir sans forcer savoirs et culture. Autrement dit, il est aisé, ergonomiquement aisé, de croire qu’on sait, alors qu’on n’est qu’en position d’enregistrement d’un foisonnement d’informations ! Information égale culture, tel est l’axiome ravageur véhiculé de facto par les médias.... dont Internet.

Pourtant Internet présente, par rapport à la télé, une difficulté majeure, un palier supérieur : il faut savoir lire, vite, bien, et sur écran. Cela n’est pas du tout évident. D’où le succès mitigé que tous les types d’ordinateurs rencontrent dans le public. Il n’en reste pas moins que, du strict point de vue de l’enseignant, c’est un instrument de travail remarquable. D’abord parce qu’il favorise la lecture, même si c’est un type particulier de lecture à cause de l’hypertexte. Ensuite parce qu’il permet d’accéder rapidement à une grande quantité de documents informatifs. Parce qu’il permet de pouvoir trier, élaguer, critiquer cette documentation, tout en fournissant un support d’accès au savoir. Cette information, par rapport à la télé, présente la particularité d’être plus statique, moins fugace, plus stable car elle est en majeure partie textuelle. Parce que la copie, la reproduction à des fins scolaires reste bien plus facile que la copie et la reproduction d’images, de films, d’émissions...

Enfin, parce qu’avec Internet, le lieu CDI s’élargit ainsi jusqu’à l’infini. Je sais. On a dit que de cette façon, il n’y avait plus besoin de CDI !! .. que le CDI avait explosé, que l’Etablissement tout entier avec son réseau d’ordinateurs était devenu un immense CDI ! C’est une véritable absurdité véhiculée par ceux qui ne comprennent pas un iota au rôle du CDI et du Documentaliste enseignant, mais aussi à cet enjeu fondamental que représente l’enseignement des capacités à savoir se documenter...

Internet n’abolit pas le CDI, ni l’école. Il ajoute chaque CDI aux autres, il cumule les lieux CDI, les Bibliothèques et les documentations virtuelles... mais il ne remplace pas chaque CDI. Le lieu CDI avec aussi ses documents tangibles, palpables, reste non seulement indispensable mais irremplaçable.

Savoir utiliser Internet à des fins pédagogiques constitue une tout autre affaire, d’autant plus que le marketing, la loi médiatique du “toujours nouveau et toujours plus nul”, la promotion du voyeurisme tous azimuts, de la publicité, entre autres maux, paraissent assigner à Internet des objectifs bien différents !!

C’est aux enseignants, pas seuls, mais en particulier que doit échoir tout le travail de fond sur ce média qui cumule le pire et le meilleur, ce qui en fait d’ailleurs son intérêt pédagogique. C’est le travail privilégié du Documentaliste enseignant.

J’ai essayé de le pratiquer de mon mieux au cours des dernières années de ma carrière, avec des hauts et des bas, des succès intéressants et des échecs complets. Je n’entre pas ici dans des détails pédagogiques que j’ai décrit par ailleurs dans des articles.

Ce qui est certain, à mon avis, c’est que ce travail de fond ne fait que commencer, d’une part, et surtout qu’il n’est pas suffisamment pris au sérieux, ni pris en compte par l’Institution. On le regrettera certainement un jour, ou plutôt, c’est la grande majorité des élèves qui en pâtira. Forcément. Et c’est dommage pour la qualité -et la qualité de vie- de ces futurs citoyens.

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