Un projet pédagogique, une pédagogie coopérative
Dès la rentrée, le diagnostic du CDI effectué à ma prise de poste, laissait apparaître un fonds un peu ancien et un lieu peu fréquenté – autrement que pour les 6 postes informatiques. Le collège accueille près de 650 élèves, dont la moitié sont demi-pensionnaires. J’ai réfléchi à la manière de redynamiser l’accueil des élèves dans une approche collaborative de l’espace. En accord avec la principale de l’établissement, et en lien avec mes collègues de la Vie scolaire, j’ai proposé un projet pédagogique. Ce document de cadrage prévoit notamment que les élèves s’inscrivent sur la base du volontariat et de manière contractuelle. La Charte des assistant•e s CDI repose sur 3 axes :
- l’engagement : les élèves doivent être assidus et s’investir dans les missions.
- la responsabilisation : les élèves doivent participer aux tâches de rangement, de plastification d’étiquetage.
- l’exemplarité : respecter et faire respecter le règlement du CDI, aider les autres élèves à chercher l’information.
L’objectif était de favoriser un apprentissage coopératif : différents élèves de différents niveaux travaillant autour d’un objectif commun. Un réel intérêt pour le club s’est fait ressentir au cours de l’année. Les élèves déjà demandeurs de lecture, sont également devenus demandeurs de missions. Certaines, ont été de leurs propres initiatives : décoration de l’espace avec des origamis, création de playlists pour la diffusion de musiques au sein du CDI, réaménagement. J’ai pu observer une entraide, voire une formation entre pairs tout à fait remarquable et bénéfique. Au fil des mois, il devenait assez simple de demander à un élève d’en aider un autre : aller chercher un document, le ranger (plus besoin du chariot de retours de prêts), pour une tâche en informatique ou pour un devoir. La posture de professeur documentaliste devient celle d’un médiateur.
Différentes formes d’apprentissages, des compétences à développer
La charte des assistants prévoit une évaluation. Le club des assistants CDI n’a pas d’horaires définis. Les élèves viennent sur leur temps libre et notamment sur la pause de midi. De nombreuses formes d’apprentissages sont à l’œuvre et permettent de développer des savoir-faire procéduraux. Le travail fourni par les élèves est valorisé dans le cadre du parcours citoyen via le LSU (Livret scolaire unique) où les compétences du socle commun sont validées en fin de cycle 3 (ou au cours du cycle 4) avec une appréciation. Les domaines 1 et 3 du socle commun semblent particulièrement adaptés pour mesurer le travail fourni par les élèves :
- D2. Les méthodes et outils pour apprendre
- D3. La formation de la personne et du citoyen
J’ai observé différentes formes d’apprentissages. D’abord, la réunion des élèves en petits ateliers pour favoriser un apprentissage pratique s’inspirait du learning by doing théorisé par le pédagogie John Dewey. Ce dernier peut être évalué grâce aux axes du programme ÉMI de 2016, ou à lamatrice ֤ÉMI de Toulouse, et grâce au référentiel du PIX pour les compétences ayant trait au numérique. Le club des assistants CDI a montré que le CDI, est un lieu propice à la sociabilité : un apprentissage social et coopératif semble pouvoir s’y développer. Je me suis personnellement référé à la grille des compétences de l’OMS (Organisation mondiale de la Santé) pour ajuster le fonctionnement du club sur ce point. Les assistants semblent en effet, plus épanouis et motivés dans leur appropriation du lieu et dans leur relation à l’autre. Surtout, ce club permet une participation active des élèves, évite l’inertie et préserve du vagabondage numérique. Un tel club participe d’une « éducation débranchée », en encourageant les élèves à s’extraire des écrans quand ils n’ont rien à faire. L’impact de l’apprentissage coopératif doit pouvoir se retrouver dans les compétences du socle commun, au moment de l’évaluation de celles-ci.
Une co-construction de l’espace documentaire, un pacte gagnant-gagnant
Tout au long de l’année et pour maintenir la motivation, les assistants ont eu droit à quelques avantages : un badge d’accès prioritaire au self, un accès en exclusivité aux nouvelles acquisitions, et la possibilité de prendre les documents pilonnés en guise de récompense. En fin d’année, une sortie scolaire, récompense leur investissement. Toujours dans un esprit collaboratif, il aurait été possible d’organiser la sortie scolaire (à la Cité des Sciences en l’occurrence) de A à Z avec les assistants. J’ai manqué de temps pour cet aspect.
Un tel projet est aussi envisageable en lycée. Les missions attribuées seront différentes et en lien plus étroit avec un ou plusieurs enseignants de disciplines. Je pense notamment à la gestion des prêts et des retours, la rédaction d’avis et de critiques sur les nouveautés, l’élaboration d’une veille culturelle. J’ai notamment pu observer dans un lycée parisien, un fil à linge suspendu dans le couloir d’accès au CDI sur lequel des articles (extraits d’Europress) proposaient un panorama de l’actualité culturelle de la capitale.
Le club des assistants CDI qui a été testé sur une année scolaire, offre un premier bilan très positif. Les élèves se sont inscrits en grand nombre (près de 50 élèves en fin d’année). Ils ont trouvé de nouveau, un intérêt à venir fréquenter le lieu. L’espace documentaire lui-même investi par les élèves à trouver un nouveau sens. L’année s’est ainsi déroulée de sorte qu’aucune activité ne s’est faite sans l’engagement des élèves assistants.
Pour ma part, je n’envisage plus une prise de poste, sans chercher à voir les manières d’engager les élèves dans les tâches de gestion au quotidien. Au titre des activités pouvant être développées dans un club d’assistants CDI, j’ai en tête d’autres pistes. Je pense notamment à la création d’un club de lecture co-animé avec les élèves assistants, l’élaboration d’un système d’évaluation, d’appréciation des ouvrages à l’aide de pastilles de couleurs. J’envisage pour ma part, de proposer des temps de tutorats pour l’aide aux devoirs. L’ensemble de ces propositions semble participer de la co-construction du lieu. L’essence même d’un club d’assistants est un projet dynamique. Aussi, chaque CDI, chaque club aura ses particularités.
Bastien COQUART
professeur documentaliste
Académie de Versailles
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