Un environnement ou espace numérique de travail (ENT) est un ensemble de services numériques sélectionnés, organisés et mis à disposition de la communauté éducative par l’établissement scolaire. Il permet un point d’accès unifié à des services, des contenus et des outils.
L’ENT Mip (à partir d’une solution de la société Kosmos) est un déploiement massif dans l’académie. Dans notre établissement il a été adopté en 2009. Auparavant, le site de l’établissement fonctionnait sous un système SPIP.
La présentation de l’ENT aux élèves de sixième
Dans le cadre de la progression EMI mise en place cette année à destination des élèves de 6ème, la deuxième séance a permis de découvrir l’ENT (Voir la séance : Les espaces informationnels numériques et virtuels du collège). Il s’agissait principalement de différencier l’espace public de l’espace privé (accessible après connexion). Nous avons également évoqué la structure de l’ENT par l’observation des rubriques, des services associés, que ceux-ci soient internes (agenda, cahier de texte, porte-document...) ou externes (pronote, Le Site.TV...) à l’ENT. Je leur ai présenté très succinctement les rubriques, dont l’espace classe. Ont accès à cette rubrique les élèves de la classe, leurs professeurs, parents, ainsi que les personnels de direction.
En début d’année, le professeur de technologie (administrateur de l’ENT au niveau de l’établissement) a présenté succinctement aux élèves de 6ème les possibilités qui leur sont offertes en terme de contribution et de production d’information. La possibilité d’écrire des articles de blog, de créer des forums de discussion... Du côté du bureau numérique de l’ENT, les utilisateurs disposent d’une messagerie, d’un espace de stockage privatif...
Le constat
Cependant, les espaces classes des quatre classes de sixième sont devenus des espaces très (trop ?) vivants. Outre la présence majoritaire de messages à caractères personnels voir intimes et sans « intérêt scolaire », l’utilisation maladroite des outils m’a surprise. Le blog a été envahi de messages correspondants à des sujets de forums de discussion entre élèves. Les quelques rares messages de blog (car il ne s’agit que très rarement d’articles de blog à proprement parler) posant une question relative à une problématique scolaire sont noyés au milieu de ces messages « pollueurs », et aucune réponse n’est généralement apportée.
De plus, il est arrivé que certains messages soient à la limite de propos injurieux ou diffamatoires entre élèves.
La réaction
C’est un jour de sérendipité, que je suis tombée sur ces messages. J’ai pourtant une sous-rubrique E.M.I dans chacune de ces « classes virtuelles » mais je ne passais que très rarement sur leur blog de classe. De plus, les professeurs de disciplines ne s’y rendent pas souvent. Une autre rubrique « espace pédagogique » fait peut-être doublon avec l’espace classe, du point de vue disciplinaire. Quant aux parents, je n’ai aucun retour donc ne je ne peux témoigner de leurs pratiques. Cependant, elles seraient intéressantes à connaître.
Après en avoir discuté avec les collègues, deux solutions s’offraient à nous. La régulation des accès aux pages web de la rubrique. De ce fait, les utilisateurs-élèves peuvent avoir des statuts différents : visiteur, rédacteur, rédacteur avec mise en ligne, modérateur, gestionnaire. Nous aurions donc pu modérer systématiquement les messages des élèves. Nous aurions pu... Seulement nous avons choisi la deuxième solution : faire réfléchir les élèves sur la fonction de l’ENT. Réfléchir aux usages de l’outil en partant de leurs pratiques. Construire collaborativement cet espace, le penser, le structurer et surtout le comprendre.
L’action
Les deux professeurs de français ayant en charge les 4 classes de sixième du collège ont accepté de participer à cette co-construction de l’espace classe sur deux heures de leur emploi du temps.
Prise de conscience
Il s’agissait de partir de l’existant et d’en mener une analyse collective. J’ai donc choisi dans un premier temps de vidéo projeter l’espace blog de la classe, les articles les plus récents apparaissant donc en premier (classement anté chronologique). Des premiers rires on passe à de la gêne lorsqu’ils s’aperçoivent en être les auteurs ou les destinataires. Comme s’ils n’avaient pas réalisé au moment de la publication de l’étendue des destinataires, bien plus large que voulue. D’autres plus discrets sur cet espace numérique soulignent le peu d’intérêt collectif de tel ou tel article. Nous rappelons à ce moment quels sont les membres de l’établissement susceptibles de prendre connaissance du message publié : l’ensemble des élèves et enseignants de la classe, l’équipe de direction, les parents... Au vue de leur réaction, ils semblent qu’ils n’en aient pas pris la mesure, ni même qu’ils se soient posés la question.
Brainstorming
La question qui se pose alors est de définir ce qui est de l’ordre du scolaire et du non-scolaire en prenant en compte la visibilité de ce que je publie / partage.
Dire à ma meilleure copine que je l’aime plus que tout et que je me souviens du jour où on a fait du cheval ensemble à ma fête d’anniversaire de mes 8 ans n’est pas vraiment approprié sur le blog de l’espace classe. Pour autant c’est une information que tout individu peut partager s’il le souhaite. Si la publier dans cette rubrique n’est pas recommandé, où puis-je alors la partager ? avec qui ? Les élèves listent spontanément des dispositifs de communication numérique issus du Web 2.0 : facebook (statut, message privé), skype... Puis ils évoquent les SMS et je les conduis à songer à des moyens de communication In Real Life, dans la vie réelle (le face à face dans la cour de récréation par exemple) ou des moyens de communication moins instantané comme la lettre, le courrier...
Nous revenons ainsi progressivement à l’espace classe : qu’y met-on alors ? Les réactions sont moins spontanées puisque jusqu’alors la majorité des messages publiés était de l’ordre du « hors-scolaire ». En les guidant à l’aide de questions orientées ils évoquent le partage d’information concernant un point de cours, des devoirs non notés, la vie de classe (préparation des conseils de classes, questions diverses aux délégués), le partage de ressources... Nous nous focalisons sur leurs besoins, leurs usages possibles de cet espace. Pour ne pas enfermer les élèves dans un carcan uniquement scolaire, je leur précise qu’ils peuvent également publier des contenus qui ne seraient pas uniquement scolaires mais qui participeraient néanmoins à la vie sociale de la classe (les dates d’anniversaires des camarades de classe étant souvent proposés par les élèves accompagnées de petits messages courtois et... bien présentant des efforts en terme d’orthographe et de syntaxe !).
Il s’agit ensuite de réfléchir à l’organisation de ces différents contenus. Il s’agit d’abord de les regrouper , puis de les hiérarchiser avant de pouvoir définir des titres de rubriques, de sous-rubriques... Les propositions notées au tableau sont regroupées par code couleur, hiérarchisées par l’emploi d’une numérotation. Puis la création des rubriques et sous-rubriques se fait en temps réel, face aux élèves grâce au vidéo projecteur. Les élèves se rendent donc compte de l’envers du décor .
Pour chacune des rubriques nous délimitons les services associés : blog, forum, agenda, chat.. L’occasion également de faire un rappel de l’objectif de chacun de ces outils et de leur de de fonctionnement.
Mise en activité
Le reste de la séance s’effectue en salle informatique et/ou au CDI. Les élèves sont chargés de se connecter à leur espace privé et de « faire le tri » (le cas échéant) dans l’espace classe en fonction de ce qu’il a publié. Les modalités de vérification de son historique personnel de publication, de modification/suppression de ses publications est vidéo projeté une première fois puis rappelé au cas par cas. Ceux qui ont peu peu ou jamais publié sont invités à s’approprier cet espace par l’ajout de contenu. Ils peuvent également « tester » la création d’article s’ils n’ont encore jamais publié sur l’ENT.
Le bilan
Cette intervention auprès des élèves était avant tout nécessaire face au constat de départ. Il était possible (techniquement) de contourner le problème en supprimant cet espace et/ou les contenus associés. Mais il me semble que la prise de conscience collective suivi d’une co-construction était nécessaire pour que les élèves puissent en tirer des observations, des conclusions, pour qu’ils se posent des questions sur l’intention de publication...
Là où je suis plus réservée est l’existence même de cet espace. Comme signalé plus haut, il existe parallèlement un espace pédagogique (dont l’accès est restreint) organisé par domaines disciplinaires (espaces langues vivantes, espace technologie, espace sciences etc...) où les enseignants qui se sont emparés de l’ENT publient des contenus de cours, des travaux d’élèves, partagent des ressources complémentaires etc... L’espace classe est donc globalement « déserté » par les enseignants et est apparemment utilisé exclusivement par les élèves. Pour ma part, j’y poste les contenus relatifs à l’EMI. Techniquement la fonction « copier un article » rend la tâche de publication répétée aisée. Faut-il conserver cet espace classe ? Faut-il sensibiliser davantage les enseignants et les parents à son utilisation ? Ne serait-il pas intéressant de les inviter à participer à cette co-construction ?
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