Remarques sur le rapport Durpaire

(actualisé le )

Quelques remarques sur le rapport concernant la politique documentaire des établissements scolaire présenté par M. Durpaire et la nécessaire révision de l’antique circulaire régissant les missions des documentalistes.

Nota : Le rapport est téléchargeable ici.

Je trouve que, globalement, les propositions sont positives, à une seule (presque) omission près, mais d’importance (enfin , je trouve !!)

Ceci par exemple est tout à fait positif et indispensable :

« Aujourd’hui, les documentalistes rencontrés expriment tous, de manière variée, un besoin de reconnaissance. Même si le plus grand nombre d’entre eux sont heureux d’être professeurs certifiés, soit parce que cela a constitué une promotion longuement attendue après un parcours d’adjoint d’enseignement, soit parce qu’il s’est agi d’un succès au CAPES, il est clair que le grade ne confère pas ipso facto la “reconnaissance” espérée. Si cette préoccupation n’empêche pas les documentalistes de travailler au quotidien et qu’elle ne compromet pas leur efficacité, elle constitue un facteur perturbant. Une identité professionnelle brouillée est un frein aux évolutions de carrière : comment se construire, par exemple, un parcours de formation personnelle si l’on ne sait pas ce que sera son métier à moyen ou long terme ?

L’absence de directive ministérielle récente sur le métier de documentaliste

Parmi les raisons évoquées, vient en premier l’absence de directive ministérielle récente. La
circulaire qui définit les missions du documentaliste a été écrite, en effet, il y a près de vingt
ans.
 » (pp. 11-12)

Tout à fait positives et nécessaires aussi les pages qui traitent de la formation et de l’implication des Inspecteurs et des Chefs d’Etablissement...


Voici pour le reste quelques remarques dont j’espère qu’elles sont positives :

« Une conclusion globale essentielle est que “la répartition des programmes d’actions et des tâches doit s’appuyer sur la politique documentaire élaborée, pilotée et communiquée au sein de l’établissement par les documentalistes, les enseignants et les personnels de direction”. » (page 15)

À condition que ce soit effectivement rendu obligatoire et pratiqué assidument comme tel !! Ce n’est pas gagné.


« En matière de recherche documentaire, les documentalistes interviennent essentiellement dans des contextes proposés par les enseignants : ECJS en seconde, TPE en première et terminale. Ils ont renoncé à des formations théoriques, c’est-à-dire non liées à une demande d’un enseignant disciplinaire.

Leurs interventions, plutôt que de s’exprimer sous forme d’un cours de documentation, consistent à fournir aux enseignants des outils précis qui se révèlent toujours précieux pour le travail projeté. Ces apports méthodologiques se traduisent par exemple par des guides à la recherche : grille « apprendre à se poser les bonnes questions », note sur comment citer ses sources de manière normalisée selon qu’il s’agit d’un ouvrage, d’un chapitre d’ouvrage, d’un article de périodique, d’un site web ; comment constituer un panneau qui rendra compte du travail de recherche, comment réaliser une bibliographie. On trouve aussi des documents facilitant la prise de notes de références documentaires. Tous ces documents ont été créés à partir d’un constat : “les enseignants ne sont pas assez clairs dans les objectifs de recherche qu’ils posent”. En matière de recherche sur Internet, les documentalistes apportent des informations sur les types d’outils de recherche disponibles, sur leur évolution, sur les sites pertinents. Les documentalistes sont parfaitement dans leur rôle en offrant les éléments qui, d’une part, facilitent les travaux de recherche des élèves, d’autre part contribuent à leur formation méthodologique, ainsi qu’à celle de leurs collègues disciplinaires. » (pp. 16-17)

À condition que les collègues aient été formés et qu’ils soient convaincus de l’utilité de la chose ce qui n’est sûrement pas massif même actuellement. De plus une question se pose : Est-il possible de faire des Profs de discipline des enseignants de méthodologie documentaire en leur présentant sur un plateau pré digéré des ressources, des fichiers, des dossiers, des grilles d’analyses... et seulement ça ?


« Des enseignants divisés sur le rôle du CDI et sur leur propre rôle en matière d’initiation aux recherches documentaires

Les enseignants rencontrés se déclarent très utilisateurs de ressources pédagogiques ; en premier, ils ont recours à leurs propres documents. Les enseignants les plus jeunes citent massivement Internet comme outil pour leurs cours. Le CDI est cité en deuxième ou troisième position (après le CRDP ou le CDDP) comme lieu susceptible de fournir des documents pédagogiques. Les enseignants ont (encore) tendance à penser que le CDI est constitué de documents pour les élèves.

En ce qui concerne l’initiation à la recherche documentaire, il semble que tout dépende de l’attitude du documentaliste et du dialogue qu’il entretient avec ses collègues enseignants disciplinaires. Si certains enseignants pensent que la formation documentaire est “l’affaire du documentaliste”, d’autres pensent exactement le contraire : ainsi cette enseignante de français indique que “la formation méthodologique relève des programmes et qu’il lui revient donc d’apprendre à chercher à ses élèves dans les dictionnaires, les encyclopédies, les documents de toute nature”. Un professeur d’histoire-géographie de ce même établissement exprime le même point de vue. Dans un autre collège, un professeur de SVT effectue un cours en salle informatique : chaque élève est devant son poste, l’enseignant dispose d’un vidéoprojecteur ; les élèves alternent travail de recherche personnelle et dialogue collectif pour des mises au point avec l’enseignante. La démarche de recherche a été donnée par ce professeur qui estime que “le CDI ne lui sert à rien pour son travail, qu’on trouve davantage de choses sur Internet et que c’est plus motivant et plus rapide pour les élèves pour peu que l’on ait préparé la séquence, c’est-à-dire sélectionné des sites utiles”. Ce type de situation se rencontre souvent lorsqu’une équipe d’enseignants très engagés dans un projet faisant appel aux TICE n’a pas trouvé des compétences ou une écoute suffisante auprès du documentaliste. Le CDI est alors marginalisé. En d’autres lieux, des points de vue s’expriment différemment : les élèves doivent acquérir des compétences dans ce domaine et c’est ensemble que documentalistes et enseignants disciplinaires mettent au point des démarches communes. En fait, les enseignants disciplinaires ignorent bien souvent ce que peuvent leur apporter leurs collègues documentalistes. D’où, pour ceux-ci, le besoin d’aller au devant d’eux et de montrer pratiquement le type d’intervention qu’ils peuvent faire. Ce point est essentiel : en effet, soit le documentaliste estime qu’il doit lui-même prendre en charge la plus grande partie de la formation et, dans ce cas, sauf à exercer dans un très petit établissement, il sera rapidement conduit à renoncer à d’autres tâches, soit il fournit les outils qui vont permettre à l’enseignant disciplinaire d’assumer cette partie des programmes. Il y a, bien sûr, des situations intermédiaires qui témoignent d’une collaboration réussie ». (page 19)

Voici un passage important et qui appelle plusieurs remarques : Les enseignants les plus jeunes citent Internet comme outil !! Sans doute. Mais eux, ils ont la culture nécessaire qui leur permet de bien s’en servir, ou, tout au moins ils sont censés l’avoir. Mais le problème est bien de donner cette culture aux élèves EN MEME TEMPS que la méthode de travail pour rechercher l’information, et l’esprit critique tout à la fois, et cela fait partie du travail des Docs.
Certains enseignants pensent que la formation documentaire de leurs élèves leur revient de droit. C’est juste. Mais cela leur est très difficile pour plusieurs raison. Un, ils ne sont pas formés, mais on peut le faire, A CONDITION qu’ils acceptent. Deux, ils ont des programmes à respecter, et donc pas toujours le temps.. Trois, ils ont des inspecteurs pas toujours favorables à ce travail (Voir le fort intéressant chapitre du rapport sur cette question.). Quatre, et c’est pour moi le plus important, ils ont une vision réductrice du problème, confinée aux seuls besoins de leur matière, et c’est normal.

La vraie raison pour laquelle les documentalistes doivent continuer à avoir une action d’enseignement c’est qu’ils ont, eux, une vision et un abord GLOBAL du problème de la documentation et de son apprentissage par les élèves.

C’est vrai qu’en restant enseignants et pas uniquement formateurs, les Docs seront "conduits à renoncer à d’autres tâches". C’est pourquoi il faut : un, créer des emplois ciblés de secrétaire de documentation [1], deux, ne pas hésiter à créer deux postes de Doc dans les gros établissements !!

Tout autre façon d’aborder le problème conduira immanquablement à un déficit de la formation des élèves très préjudiciable à leur futur scolaire. Et je continue à penser que ce nécessaire enseignement doit figurer dans les EDT sous une forme permanente, continue, dans toutes les classes, AVEC un Prof Doc dans l’équipe.


« On peut s’étonner de voir que dans un lycée, d’un côté d’un couloir, des élèves vont chercher quasi librement sur Internet, de l’autre, au CDI, ils doivent se plier à des contraintes plus fortes ; dans une salle, ils entrent sans exigence particulière, dans l’autre, ils doivent justifier de leur venue ; c’est bien à l’ensemble de la communauté éducative de poser des règles communes et acceptées par tous. » (page 21)

Ici, le non-dit c’est qu’il n’est pas nécessaire d’apprendre à se documenter. On a aussi prétendu longtemps et de la même façon qu’il n’était pas néscessaire d’apprendre le B,A BA pour savoir lire. On en revient à grands pas. Ne commettons pas la même erreur. Car déjà les choses sont graves. Savoir trier dans le foisonnement de niaiseries qui pollue quotidiennement les médias, y compris les réseaux, n’est hélas pas conçu comme étant de l’enseignement. C’est une hérésie. Nous voyons tous les jours les conséquences de cet abandon que j’espère temporaire. Il y a fort à parier en effet que si les gens avaient eu une formation pour savoir trier, sélectionner, apprécier et aimer une info sérieuse et digne de ce nom lorsqu’ils étaient en classe, on ne verrait pas à la télé le tissu de désinformation et de nullités permanentes dont nous sommes abreuvés aux heures de grande écoute. Et je ne parle même pas des perles du genre, type Loft ou Ferme ! Je suis de la Ferme las, bien que ne l’ayant jamais regardée !!


« Plus les pouvoirs publics engagent des expérimentations pour le développement de services en ligne, plus ils interviennent sur le terrain des ressources pédagogiques. Les initiatives en cours, telles que celles qui sont prises pour équiper chaque élève et chaque enseignant d’un ordinateur portable personnel et d’un ensemble de services numériques (départements des Landes, des Bouches-du-Rhône, de l’Isère, de la Savoie...) tracent-elles la voie ? Si tous les élèves sont équipés d’un portable, faudra-t-il d’autres micros dans l’établissement ? Peut-on au contraire imaginer que les pouvoirs publics vont faciliter un double équipement, un à domicile et un dans l’établissement et que les élèves évolueront de l’un à l’autre sans souci, retrouvant aisément leur “espace numérique de travail” ? Quelles seront les conséquences sur le CDI ? (page 25) »

Voici maintenant l’illusion que le matériel remplace la démarche intellectuelle. Or, matériel sans accompagnement pédagogique humain égale zéro. C’est comme si on avait des livres sans savoir lire ou du moins sans comprendre ce qu’on lit. De plus on ne peut pas assimiler l’usage qu’on fait de ces technologies pour des adultes formés, avec celui qu’on peut en faire pour des enfants en formation. C’est une confusion redoutable et souvent constante au niveau des Collectivités Locales. Voir d’ailleurs à ce sujet la citation du rapport page 30


« Les pistes suivantes ont fait l’objet d’échanges avec des documentalistes à l’occasion de diverses réunions.

Les missions pourraient être organisées selon quatre pôles :

- pilotage : contribuer à la définition de la politique documentaire de l’établissement, organiser les ressources documentaires de l’établissement (centre de ressources, réseau de ressources), définir et faire évoluer le système d’information de l’établissement ;
- mise à disposition : mettre les ressources documentaires à disposition de toute la communauté éducative, contribuer à l’alimentation du système d’information ;
- formation : contribuer à la formation des usagers, collaborer à l’évolution des demandes pédagogiques de façon à ce que les ressources documentaires soient mieux intégrées ; être un acteur des nouveaux processus de formation qui font appel à des équipes enseignantes ; sensibiliser tous les membres de la communauté éducative à l’importance de l’information dans la société ;
- ouverture : contribuer à l’ouverture de l’établissement sur son environnement dans ses dimensions technologiques, professionnelles (orientation des élèves) et culturelles.
La circulaire devrait aussi préciser qu’en termes de formation, le documentaliste prend une part active à tout ce qui se rapporte à la maîtrise de l’information, ce qui ne signifie pas qu’il assume lui-même la formation de tous les élèves puisque cela relève également des enseignants disciplinaires. Enfin, cette circulaire nouvelle devrait souligner l’importance du travail en réseau et des échanges collaboratifs. (page 31)
 »

Voici donc ici du concret. Et c’est là qu’à mon sens (!!) se situe l’omission capitale dont je parlais plus haut. Je me permettrai donc ici de rectifier et réécrire le 3° point selon mon goût, ou plutôt mes voeux, après en avoir expliqué le pourquoi dans mes remarques précédentes.

Formation ET enseignement : contribuer à la formation des usagers, collaborer à l’évolution des demandes pédagogiques de façon à ce que les ressources documentaires soient mieux intégrées ; être un acteur des nouveaux processus de formation qui font appel à des équipes enseignantes ; sensibiliser tous les membres de la communauté éducative à l’importance de l’information dans la société ; enseigner les méthodologies des capacités à savoir s’informer directement aux élèves lorsque c’est possible et/ou nécessaire (ces notions étant définies dans le cadre du contexte local de chaque établissement) ; enseigner aussi par des T.P permanents (au CDI de préférence) qu’acquisition d’une culture et recherche documentaire vont de pair. Cet enseignement se différenciant de l’enseignement disciplinaire par une vision et un abord beaucoup plus globaux du problème documentaire. C’est aussi une spécificité indiscutable des profs docs. Mais toujours dans un cadre pluri disciplinaire d’équipes pédagogiques.

Voilà, si vous me permettez un avis plus tellement concerné, c’est vrai, mais intéressé... ce que la lecture du rapport m’a inspiré comme réflexions... pas à chaud mais juste à tiède [2]

P.-S.

Alain Gurly

Notes

[1Ou tout autre nom.

[2Ces choses là ne me laissent jamais froid.

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