Marie-France Blanquet. 1 : Questions Questions posées par les abonnés d’E-Doc en mars 2003

(actualisé le )

Alain Gurly a eu la bonne idée d’assister à la journée académique Fadben à Montpellier, le 17 janvier 2003. Marie-France Blanquet y a fait une intervention "Facteurs d’évolution et avenir de la profession d’enseignant documentaliste". Alain a mis en ligne sur le site le texte intégral de l’intervention de Marie-France BLANQUET avec l’aimable autorisation de l’auteure. Ce texte nous a donné envie d’inviter Marie-France Blanquet à dialoguer avec nous sur E-Doc.

Vous trouverez d’autres textes de Marie-France Blanquet sur la profession et les apprentissages documentaires :
- Intérêt pédagogique de l’apprentissage des langages documentaires
sur SavoirsCDI avril 2002

Marie-France Blanquet est maître de conférences à l’Iut Michel de Montaigne (Université de Bordeaux III) où elle enseigne les sciences de l’information.

Bibliographie :
- Introduction générale aux sciences et techniques de l’information et de la documentation. Unesco, 1990. (co-auteur avec Claire Guinchat et Michel Menou).
- L’industrie de l’information : l’offre et la demande. ESF éditeur, 1992.
- Intelligence artificielle et systèmes d’information : Le langage naturel. ESF éditeur, 1994.
- Autoroutes électroniques et téléports. ESF éditeur, 1995.
Science de l’information et philosophie : Une communauté d’interrogations. ADBS éditions, 1997.
- Autres textes en ligne en recherchant dans le BBF et Documentaliste-Sciences de l’information.

Question 1

Raccourci, j’espère fidèle, du texte de MF Blanquet.
Le métier d’ enseignant documentaliste n’est pas appelé à disparaître, contrairement à certains métiers tributaires d’outils spécifiques dépassés ou remplacés par des robots. Pour cela, une de nos activités le "traitement de l’information" peut paraître condamnée à plus ou moins longue échéance. Il ne faut donc pas fonder la légitimité de notre métier sur cet aspect pourtant prenant de notre vie professionnelle. La pérennité de notre profession vient de sa matière première : l’information, et du travail que nous effectuons sur les élèves pour leur apprendre à appréhender, choisir, juger cette information en fonction de leur besoin. L’idée que l’information, grâce à internet, est accessible à tous est un "leurre", et même si les CDI offre cette possibilité d’accès encore faut-il apprendre à porter un regard critique sur elle, pour éviter d’en être un simple consommateur. Une culture de l’information est nécessaire pour que cette information devienne connaissance et profite aux générations futures.

Commentaires sur le texte :

L’autonomie des élèves face à l’information est un enjeu primordial depuis la promotion de l’internet, en ce qu’ils doivent non seulement trouver l’information pertinente, mais encore juger par eux-mêmes de la fiabilité des sources. C’est donc dans l’enseignement de cette autonomie que nous trouverons notre raison d’être et notre spécificité en tant qu’enseignant documentaliste. Tout d’abord parce que nous nous démarquons de nos collègues de disciplines en recherchant avant tout l’autonomie des élèves, face à la prise de l’information.

Ensuite parce que nous nous démarquons des autres professionnels de l’information, en enseignant cette autonomie. Pourtant, jusqu’à présent notre mission déclarée se tourne plutôt vers la gestion du CDI et le traitement de l’information qui la rend accessible aux utilisateurs. Ainsi, d’après de nombreuses enquêtes auprès des collègues, les professeurs de discipline attendent principalement du CDI et du documentaliste, la mise à disposition des ressources et reconnaissent majoritairement leur professionnalisme. L’initiation à la recherche documentaire se borne, pour la plus grande part, à enseigner aux élèves l’utilisation des outils de cette recherche.

Questions au choix :

Ne pensez-vous pas que nous sommes dans une impasse tant que le statut de l’enseignant documentaliste n’est pas mieux défini et sa mission enseignante valorisée par l’institution ? Dans le cas d’un enseignement "didactisé" Faudrait-il d’après vous recourir aux cours, pas nécessairement magistraux, ou bien utiliser de façon méthodique les dispositifs déjà mis en place tels que ECJS, TPE, IDD et PPCP ? Avez-vous une idée de possible programme de cet enseignement ? Au sujet du traitement de l’information par des robots, pensez-vous réellement que des outils tels que "Pertinence" ou les revues de presse générées par robot telle les "news" de Google, remplacent avantageusement les processus mentaux humains ? Peut-on déceler des failles dans la pertinence des résultats de ces robots selon les critères choisis. Pensez-vous que l’objectivité des machines est réelle ? Cordialement

Jacqueline Valladon Enseignante documentaliste Lycée Pierre Larousse TOUCY

Question 2

Dans votre intervention du 17 janvier 2003 lors de la journée Fadben à Montpellier, vous posez la question de l’utilité de notre profession en interrogeant les dénominations, "Documentaliste-enseignant ou enseignant-documentaliste ?", vous retournez, également, aux origines de la Documentation en Europe et vous rappelez que les documentalistes auraient pu recevoir le nom de "fichistes" ! C’est sur ce lien entre appellation et visibilité du contenu du métier que porte ma question.
Si l’on évacue l’aspect financier de la chose (les décideurs sont généralement "orientés-système"...et dernièrement, dans l’EN, on dirait que notre "utilisabilité" les intéresse bien plus que notre "utilité"...) reste une interrogation sur "Documentaliste", un des mots qui nous désigne et sur son influence dans les représentations des différents acteurs dans ou hors l’établissement scolaire sur le contenu de nos tâches mais aussi sur notre rôle dans la formation des élèves. Quelques théoriciens et/ou praticiens en information-documentation soulignent que "Documentaliste" ne convient plus aujourd’hui, et qu’il est bien dommage que le terme..."informaticien" ne soit plus disponible (déjà pris depuis les années 60)...
Pensez-vous qu’ "informaticien" aurait pu changer la face des difficultés persistantes de reconnaissance de la complexité et de la richesse de notre métier ? :-)

Nicole Boubée Professeure-documentaliste Collège Stendhal Toulouse

Echanges autour de la dénomination

Alors, proposons un néologisme : informatologue. Après tout, nous sommes les médiateurs de l’accès à l’information, et des pédagogues, non ? " André Montagne

Informatologue, ça fait un peu informe....! :-)) Alain Gurly

Bon, comme on ne peut pas employer bobologue, on pourrait aussi dire "documentologue"...André Montagne

Il y a aussi "informatiste" !! :-( Guy Pouzard

Ou inform-artiste..." Alain Gurly

Mais in...formaliste serait encore mieux... Guy Pouzard

Question 3

Bonjour Mme Blanquet,

J’ai lu avec attention votre texte que j’ai trouvé très intéressant et surtout très lisible, ce qui n’est pas forcément le cas de bien des textes de ce type. Mes questions vont porter autour de cette affirmation : « tout enseignant est un documentaliste et tout documentaliste est un enseignant et documentaliste enseignant et enseignant documentaliste sont les 2 facettes d’un même métier » L’enseignant documentaliste, par les activités qu’il conduit, dévoilerait donc ce qui est habituellement caché dans l’acte d’enseignement, à savoir, si je ne me trompe, le processus de didactisation du savoir.
1. Que se passera-t-il pour les enseignants documentalistes quand les documentalistes enseignants auront intégré dans leurs démarches d’enseignant le fait de devoir prendre en compte les besoins documentaires ? C’est par exemple, le cas en TPE, et la transformation du rôle de l’enseignant en accompagnateur de l’élève. Cet enseignant doit alors s’interroger sur le travail de questionnement, le rôle des documents et leur inscription dans la bibliographie, la validité de l’information, l’évaluation de la recherche d’information voire l’auto-évaluation par les élèves etc. Les documentalistes ont aidé à ce passage. Que deviendront-ils quand les enseignants maîtriseront ces problèmes ? A voir le peu d’empressement des BO à citer l’enseignant documentaliste au profit des CDI ou des compétences informationnelles - on cite donc le lieu principale/système de gestion de l’information, on cite ce qui est en jeu mais on ignore celui qui est censé assurer l’apprentissage des unes grâce au système qu’il met en place quotidiennement - institution et ministère ont déjà fait leur choix depuis longtemps. A nous les 1600 heures puisqu’il faudra bien mettre en cohérence les docs du supérieur et leurs collègues du secondaire. Nous serons gestionnaire, mes frères ! Mon avis, c’est que nous avons représenté un moment nécessaire de l’évolution de l’enseignement, un passage, mais que nos jours sont comptés en tant qu’enseignant. Je ne crois pas que ce soit la technologie qui remette en cause notre fonction de documentaliste mais l’évolution de l’enseignement nous condamne. Alors comment se réinventer ? Devons-nous aller plus loin que la mise à jour du processus de didactisation et aller voir du côté des sciences cognitives ? C’est une fuite en avant.
2. Si jamais c’est dans cette direction que nous allons, dans 10 ans j’aurais 46 ans, je serais presque un dinosaure, non à cause de l’âge mais à cause de la remise en cause perpétuelle que va nous demander cette évolution. Je ne suis pas sûr d’avoir envie, de pouvoir arriver à suivre. Que vais-je devenir ? Un inutile, comme vous le dites ? Curieux concept que celui de l’inutilité, fils de la technologie et du libéralisme (ou alors l’inverse). A ce sujet je renvoie au roman de JM Truong, « le successeur de Pierre » qui est l’aboutissement logique de ce mariage : l’inutilité de l’humanité.
3. Vous dites enfin, que le documentaliste « symbolise la multidisciplinarité ». Qu’en est-il alors de l’apprentissage de notre discipline, celle des sciences de l’information et de la communication ? Sur quels temps ces apprentissages se font- ils ? Qui seront les dépollueurs ? Avec mes remerciements.
Richard Peirano Lycée immaculée conception Laval

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