L’accueil des publics adolescents en médiathèque. Entretien avec Sylvain Demonsant

(actualisé le ) par Hélène Mulot, Marion Carbillet

Bonjour Sylvain, la médiathèque d’Albi (Académie de Toulouse) a accueilli une riche journée de formation départementale de professeurs documentalistes au mois de mai 2017 et nous vous en remercions. Merci aussi d’avoir accepté de répondre à nos questions pour le site Doc pour Docs.

Pouvez-nous nous expliquer votre fonction à la médiathèque ?

Je travaille comme assistant en section jeunesse, c’est à dire que je fais du service public (renseignements), des acquisitions et du catalogage. Je travaille aussi sur la mise en valeur des collections et fais de l’action culturelle (accueils de classes, animations...). Je coordonne par ailleurs un groupe de travail sur l’accueil des adolescents au niveau du réseau des médiathèques de l’Albigeois.

Nous avons pu nous rendre compte que la médiathèque a connu ces dernières années des changements assez importants, notamment concernant l’accueil du public adolescent. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Il semble que ce public vienne en nombre plus important (médiathèque Amalric), à la fois pour travailler en groupe, mais aussi tout simplement pour s’y retrouver entre pairs. En réalité ces deux fonctions sont souvent mêlées. On est quelque part entre la salle d’étude et le foyer du collège ou du lycée (ou le café). A côté de cela, nous continuons à accueillir des jeunes venant emprunter des documents, des romans et des BD essentiellement. Nous accueillons parfois plus de 50 adolescents les mercredi et samedi après-midi (largement plus de la moitié du public de la section). Ceux-ci viennent aussi beaucoup en semaine entre midi et deux, après les cours et lors de leurs heures d’étude. Les médiathèques évoluent : leurs règlements s’assouplissent, se mettant au diapason des mœurs actuels (possibilité de téléphoner et de manger sur place, etc)., ce qui les rend plus « compatibles » avec la façon d’être des adolescents.

Vous avez mis en place un groupe de travail sur le sujet. Pouvez-vous nous expliquer son mode de fonctionnement et ses objectifs ?

Nous sommes partis de l’idée que l’accueil des adolescents devait être pensé, au même titre que celui des tout-petits, des personnes âgées, des personnes malvoyantes, etc. Avec cet objectif en tête, le groupe de travail se réunit environ tous les deux mois. On y trouve des représentants de différentes sections et services (Jeunesse, Adulte, Arts, Action culturelle) et sites du réseau (Amalric, Cantepau, St Juery, Lescure). Le groupe tourne autour d’un « noyau dur », nécessaire à la continuité du travail accompli, mais accueille ponctuellement toute personne intéressée. Le groupe partage des expériences (vécues, observées) et des lectures, cogite, imagine, propose. C’est ensuite aux sections, services et sites de choisir ou pas de s’emparer à leur manière du résultat de ces rencontres. Après une première réunion dédiée à un état des lieux de la question « adolescente » sur le réseau (qui sont ces ados, que viennent-ils faire à la médiathèque et comment y sont-ils accueillis), le groupe a défini un planning de ses rencontres selon 4 axes : l’accueil, l’aménagement des lieux, l’action culturelle et les collections. Chaque rencontre est consacrée à un de ces thèmes. Nous avons commencé par travailler sur l’action culturelle, un domaine dans lequel nous pouvons clairement mieux faire... Dans le futur, nous souhaiterions aussi réfléchir sur la façon d’impliquer les adolescents dans notre réflexion, nos projets, nos acquisitions, etc.

Vous dites que l’accueil des adolescents conduit à des aménagements. Lesquels par exemple ? Quels comportements avez vous pu observer ?

Étant donnée leur venue massive sur certains créneaux, nous avons dû mettre à disposition beaucoup de tables et de chaises dans la section, que ce soit dans une salle dédiée ou en utilisant de nombreux recoins. Il nous a fallu aussi redéfinir ce qui était tolérable ou pas et s’interroger sur notre attitude, pour être à la fois bienveillant et accueillant, tout en posant des limites. Nous faisons en sorte d’être très visibles sur toute la section, en prenant le temps de faire des « rondes » et de discuter avec ce public dans un esprit « préventif ». Nous remarquons depuis beaucoup moins d’incivilités (bruits, dégradations, déchets...).

Vous mettez à disposition des jeux. Là encore que peuvent il apporter selon vous dans l’espace de la bibliothèque ?

Il s’agit de grands (et beaux) jeux, souvent en bois, aux règles connues (dames, échecs) ou intuitives. Ils sont attractifs, faciles à prendre en main et on peut s’y retrouver à plusieurs autour : on n’est pas très loin des baby foots et billards, autour desquels les jeunes se regroupent dans les cafés. Cela est pour nous très positif : c’est un média qui séduit largement le public des groupes de jeunes, qui n’utilisaient jusqu’à présent quasiment pas nos collections (contrairement aux individus isolés). C’est souvent un point de départ pour des contacts avec ces groupes. Ces jeux sont par ailleurs très utilisés par les enfants et les familles.

Ces nouvelles préoccupations quant à l’accueil du public adolescent modifient-elles votre pratique quotidienne, voire la nature de votre métier de médiathécaire ?

Oui, car ce public nécessite beaucoup d’interventions, liées non pas à de la médiation autour des collections, mais à la gestion du lieu : leur attribuer une place, tisser du lien, cadrer leurs débordements. Ceci dit, la conception de la médiathèque comme lieu de vie multi-usages au sein de la ville n’est pas nouvelle : ce public nous pousse juste à la mettre en pratique, à nous interroger de façon plus générale sur l’accueil des publics et c’est très bien ainsi. Même si ce n’est pas le public le plus « facile », il est très agréable (et important) de recevoir des jeunes dans nos établissements.

Que pensez-vous de l’évolution de certaines bibliothèques en tiers-lieux ?

A l’heure de la numérisation des ressources (qui a déjà commencé il y a un certain temps...), les médiathèques ne peuvent éviter de s’interroger sur le rôle qu’elles veulent et peuvent tenir dans la société. Certains publics nous rendent visite pour des raisons autres que notre offre traditionnelle (personnes en errance, en situation précaire, jeunes, etc) : on peut le déplorer, mais on peut aussi se féliciter qu’ils aient « choisi » de venir vers nous, et nous servir des questions qu’ils soulèvent pour repenser notre accueil, ce qui bénéficiera à tous. Ainsi, pour la période d’été, nous avons ouvert en permanence deux espaces de jeu/détente en section jeunesse, qui remportent un grand succès auprès des familles. Accueillir un public dans un lieu agréable ne peut qu’améliorer le lien que nous entretenons avec celui-ci et donc améliorer la connaissance que nous en avons. Ce qui va à terme évidemment dans le sens d’un travail de médiation documentaire de qualité.

Que pensez-vous de ces liens que nous tissons entre bibliothécaires et professeurs documentalistes ? De quelle façon pouvons-nous nous inspirer mutuellement ?

Suite à la venue des professeurs documentalistes à la médiathèque, des membres du groupe de travail sont retournés en collège pour visiter deux CDI albigeois (Bellevue et Jean Jaurès), un expérience très intéressante. Cela permet de se décentrer, de se questionner sur notre rapport aux usagers et de piquer des idées !

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