Troisième partie : les années réseaux

La saga du climatiseur

(actualisé le )

Dans le local informatique, où on avait installé deux serveurs, plus la baie de brassage, régne une chaleur considérable. Le local n’est pas très grand, et une baie de brassage constitue un vrai chauffage. On avait donc, et à juste titre, installé un climatiseur dans ce local.

Cet engin -dont je me demanderai toujours s’il était vraiment neuf !- refusa de fonctionner au bout de huit jours. J’en référais immédiatement à mon Chef d’Etablissement, après avoir emprunté un énorme thermomètre à mon collègue de Physique, et constaté dûment et devant témoins, que la chaleur à 8 h. du matin avoisinait 32° dans le local.

Quelques jours après un technicien arriva et, soupçonneux, commença par me demander si j’étais bien sûr de mon fait. Malgré mes affirmations catégoriques, il installa à demeure pendant quelques jours un enregistreur sophistiqué de température. La courbe tracée sur la papier millimétré, qui oscillait entre 30 et 35°, fut édifiante ! On convint que je n’avais pas tort. L’homme se mit au travail et au bout de deux jours, l’appareil fonctionna. Je crus naïvement que c’était une affaire réglée..

Cela dura à peine une huitaine.

Je revins à la charge, après avoir fait encore une fois constaté la chaleur qui régnait dans le local. Le technicien revint, lui, mais un bon mois après. Ce n’était d’ailleurs pas le même. Le nouveau technicien étudia la question à fond deux jours entiers et finit par déterminer que l’on avait omis de mettre dans le compresseur de l’appareil le gaz destiné à produire du froid !! Ce compresseur, pour des raisons qui me sont restées obscures, avait été placé sur la terrasse extérieure du CDI. Le technicien arriva donc avec une pompe et un réservoir de gaz, et se mit à procéder à l’injection. Las ! C’était le tonneau des Danaïdes. Plus il pompait (comme les Shadocks) et plus il fallait pomper. Le réservoir paraissait posséder une capacité illimitée. Le technicien finit par soupçonner qu’il y avait une fuite quelque part... Il lui fallut une journée de plus pour la localiser. Elle se trouvait dans le tuyau de vingt mètres de long qui reliait le compresseur, situé sur la terrasse, à l’appareil situé dans le local informatique. Le tuyau circulait sous le faux plafond d’isolation phonique du CDI. Il fallut donc démonter le dit plafond sur dix mètres de long sur deux de large. Enfin le gaz réfrigérant fut mis en place et le climatiseur climatisa.

Cette fois, sans doute ému par la sollicitude dont il faisait l’objet, le climatiseur climatisa un bon mois... Puis, épuisé, il s’arrêta tout net et refusa de continuer plus longtemps..

Je remontais au créneau incontinent. En haut lieu on commença à trouver que j’étais pénible à supporter.

Quelques semaines plus tard un nouveau technicien survint et décréta (Euréka !) qu’on avait omis de régler les sondes extérieures, et que le climatiseur, considérant qu’il ne faisait pas assez chaud à l’extérieur (pour cause d’hiver), refusait de fabriquer du froid.. L’homme de l’art remit donc l’ustensile en marche et s’en fut, derechef.

Encore une dizaine de jours et tout s’arrêta.. Alors là, on ne me crut pas, on fit la sourde oreille, on feignit de ne pas m’entendre, et puis la boutique qui avait installé l’appareil avait fait faillite, etc... Mais je suis assez têtu, et il fallut bien m’entendre et me donner satisfaction lorsqu’un des serveurs claqua d’un coup de chaud. On envoya cette fois un technicien « supérieur » issu d’une autre entreprise, qui commença par critiquer copieusement tout ce qui avait été fait auparavant. Après quoi, il emporta l’engin aux fins d’expertise... Quelques temps après, il revint et expliqua que ce modèle d’appareil ne pouvait fonctionner qu’avec une télécommande. Il fournit (et factura) cette indispensable interface. Et, Ô miracle, le climatiseur climatisa. A vrai dire, par intermittence. Mais il est vrai qu’en appuyant un peu au hasard sur les touches de la télécommande, en zappant, on arrivait de temps en temps à lui faire exhaler un peu de fraicheur. Puis cette crise de bonne volonté s’éteignit lentement, et il fallut redemander aide et assistance. Je demandais qu’on me fournisse des blocs de glace tous les matins dans des cuves et on me regarda de travers..

Pourtant un brave homme survint un jour, alors que je ne l’attendais plus. Il me dit que la télécommande, pour être efficace, devait être câblée sur le climatiseur. Ce qu’il fit.

Mirabile visu !! Cette dernière opération rendit le climatiseur opérationnel au moins huit mois... Après quoi, il mourut définitivement et aucun technicien ne lui fut plus jamais d’aucun secours. Il n’y a plus de climatiseur dans le local. Il y fait chaud, très chaud, et un second serveur y est mort d’apoplexie.

Ce climatiseur était encore pendu au mur lorsque je suis parti, exhibant de façon indécente ses entrailles torturées et démantibulées, symbole désolé et délabré de l’absurdité technologique et administrative..

Partager cette page