Contre les images saintes de la politique documentaire : réactions des abonnés

(actualisé le )

Voici (enfin !) une compilation des réactions des abonnés de la liste E-Doc au texte d’Yves Le Coadic : Contre les images saintes de la politique documentaire. Nous vous livrons ces réactions sans autre forme de commentaire. Les réponses de l’auteur seront ajoutées ici même, dès que nous les aurons.
Merci en tous cas aux abonnés qui ont pris la peine de réagir à ce texte.


C. Ferrandière, prof doc

Bonjour,

À la lecture de l’article "Contre les Images saintes de la politique documentaire" de M. Yves F. Le Coadic, je mesure toute la difficulté qu’il y a à être doc aujourd’hui. La diversité de nos missions (qui m’a personnellement incitée à passer le CAPES doc en son temps) est pour moi une richesse que je ne voudrais pour rien au monde perdre au travers de revendications enseignantes dans lesquelles je ne me reconnais absolument pas. Si j’avais voulu enseigner au sens traditionnel du terme qui est utilisé ici, je serais restée en classe.
Des expressions comme "le rôle des professeurs de documentation" ou "reconnaître que l’information au collège et au lycée est une discipline scolaire" me hérissent. Nous ne sommes vraiment pas prêts à nous entendre sur de quelconques revendications. Si nous devions établir ensemble un cahier des charges, je pense qu’il n’y a qu’une partie sur laquelle nous serions OK, c’est la formation aux technologies de l’info doc. Tout cela me laisse très perplexe quant à notre avenir : d’une part dans les mains de décideurs qui ne connaissent pas vraiment le quotidien des docs, d’autre part, dans la voix de "revendicateurs" qui ne représentent qu’une infime partie des docs de terrain. Cordialement déçue,


Olivier Le Deuff

Que dire si je partage les mêmes interrogations qu’ Yves Le Coadic.
Il faut parvenir à résoudre le problème de la dichotomie entre le responsable de la politique documentaire et le professeur d’information.
Pas facile car la tendance c’est de nous pousser à faire les deux...
Bref, le débat est lancé.


Nicole Jaillet, professeure des écoles

Bonjour,
M. Yves F. Le Coadic nous dit :
"articuler l’apprentissage informationnel et les savoirs"
Cette phrase contredit totalement l’idée énoncée juste au-dessus :
"reconnaître que l’information au collège et au lycée est une discipline scolaire"
Pour deux raisons :
1 - Les professeurs documentalistes sont de formation pré-capes très variée. Parmi eux, peu sont des scientifiques, d’une part parce que le concours comportait antérieurement une épreuve d’histoire géographie ou de lettres, d ’autre part parce que même avec une épreuve de dossier documentaire scientifique, cette dernière reste une option choisie par à peine plus de 5% des candidats. Il est fort probable de plus que ces derniers n’aient pas de formation dans les domaines des deux autres choix de l’option, les sciences sociales et les lettres. L’articulation entre apprentissage informationnel et discipline peut alors être difficilement mise en ouvre par ces professeurs sans formation suffisante dans la discipline.
2 - Les programmes des différentes disciplines comportent une formation à l’ information. Il est donc attendu des professeurs de discipline une compétence suffisante dans ce domaine. Les nouveaux dispositifs s’appuient eux aussi sur ces compétences. En effet, si le professeur documentaliste peut participer à leur mise en ouvre, sa participation n’y est pas obligatoire. Concrètement en ce qui concerne les TPE par exemple, les professeurs de discipline n’utilisent pas toujours le CDI, ils travaillent aussi en salle informatique, parfois même exclusivement, et sans participation du professeur documentaliste. (C’est devenu possible, les document du capes externe de documentation de cette année par exemple étant exclusivement issus d’internet).
Reconnaître l’information au collège et au lycée comme discipline scolaire signifierait un nouveau cloisonnement disciplinaire, alors même que des démarches pédagogiques actuelles visent à remettre des liens entre les disciplines par les nouveaux dispositifs, d’une part, en réaffirmant la transdisciplinarité du français en particulier, d’autre part. En effet, le français est enseigné non seulement en cours de français, mais dans les autres matières. (Je ne sais pas de quelle manière cela est mis en ouvre dans le secondaire, en élémentaire toute leçon a une part d’apprentissage du français. ). Vouloir l’enseignement des sciences documentaires dans le secondaire me parait contraire à cette démarche unificatrice, et difficilement compréhensible aux élèves de ce niveau. En effet, si les étudiants du supérieur sont capables de faire des liens entre différents domaines étudiés (et peuvent avoir un enseignement spécifique en sciences de l’information), il ne me semble pas que des élèves plus jeunes aient un niveau de compétences suffisant pour tirer profit d’un tel enseignement coupé des autres matières.
Les derniers textes que j’ai lus sur le rôle du professeur documentaliste tournent totalement autour des sciences documentaires. Par contre, les demandes de cette liste portent souvent sur la littérature jeunesse. Ce domaine semble négligé par les personnes qui réfléchissent sur cette profession, mais faire partie de son quotidien. Par ailleurs, j’ai rencontré un professeur documentaliste recruté depuis 86, qui m’a dit ne rien connaître à la littérature jeunesse. Que pensez-vous de ces nouvelles orientations ?
Le hasard m’a fait suivre une conférence sur F5 (les amphis de la 5°), (malheureusement plus en ligne), d’une universitaire sur la place du roman dans la construction de la personnalité, et peu de temps après, une interview de Michel del Castillo, expliquant comment en lisant Les trois mousquetaires il avait compris comment on pouvait aimer une personne haïssable. (Lui aimant sa mère indigne, Athos aimant Milady). A cette même époque, en élémentaire était promue la lecture « utile » (de recettes, modes d’emploi etc...), aux dépends de la lecture d’oeuvres de fiction. L’argument étant que les élèves ayant assez de difficultés à lire, ils seraient motivés par l’aspect pratique de la lecture. Mon sentiment se révoltait contre cette quasi exclusion de la lecture de fiction, et d’écouter ces deux « spécialistes » m’a montré que ce sentiment était justifié. Depuis, les programmes ont remis en valeur la littérature jeunesse, ce qui a permis d’ obtenir des financements pour les BCD.
Si je vous parle de cette expérience, c’est que j’ai le même sentiment après l’écrit du capes externe, mais également à la lecture de l’article de M. Yves F. Le Coadic. Les professions de professeur documentaliste et de professeur des écoles ont, il me semble, ceci de commun, c’est d’avoir des compétences dans diverses disciplines, peut-être non évaluées par un diplôme universitaire parce que ne respectant pas le cloisonnement disciplinaire. Cela permet au professeur documentaliste d’intervenir dans divers domaines ayant en commun le rapport des élèves avec les documents, dans toutes leurs variétés. Avoir un rôle exclusivement utilitaire (apprendre à rechercher des documents), fait perdre les compétences des documentalistes quant à apprendre à choisir d’aller vers les documents, dont les fictions.
Ainsi, je distingue la valorisation du métier de professeur documentaliste par une agrégation, de sa spécialisation dans une discipline niant l’ importance de toutes les autres activités pédagogiques de ce professeur. (entre autre, le travail concernant le fonds, les activités autour des livres et de leurs auteurs, l’accueil des élèves dans un lieu spécifique.)
Rien n’a empêché la création de professeur des écoles, de même grade que les professeurs ayant le capes, mais polyvalents, rien n’a empêché la création d ’un capes de documentation, je ne vois pas ce qui empêcherait la création d’ une agrégation de documentation, intégrant toutes les compétences d’un professeur documentaliste, et s’appuyant sur diverses disciplines, pas seulement en sciences de l’information. Ce n’est pas un problème de discipline mais de budget.


T. Gheeraert

Je pense que le malaise qui intervient dans notre profession est surtout dû à une accumulation de tâches que nous n’arrivons plus à assumer. Nous sommes professeurs, nous sommes bibliothécaires, nous sommes manutentionnaires, nous sommes informaticiens, nous sommes trieurs d’informations, nous sommes surveillants, nous sommes conseillers d’orientation, ...
L’institution n’aime pas la différence et pour revendiquer il faut soit être professeur soit être administratif (cf. l’article du Figaro).
J’ai déjà dit sur cette liste que j’aimerais avoir de réelles heures d’enseignement où je pourrais former chaque classe à partir d’un programme "interdisciplinaire ou transdisciplinaire" et offrir à chaque élève un même niveau de formation à la recherche documentaire (et plus seulement aux 6ème). J’aimerais également avoir de réelles heures de gestion pour ne plus "bricoler" ma base entre une demande de prêt, un renseignement, un déblocage informatique, ... J’aimerais également ne plus être une annexe de la permanence ou du foyer et avoir à "fliquer" les élèves.
J’aimerais exercer un métier aux contours mieux définis avec une spécificité et de réelles missions reconnues et non plus du bricolage.


Christelle Favry

A titre d’exemple, la semaine prochaine j’ai 18h00 d’intervention avec des classes. Comme je ne suis pas un prof qui enseigne une discipline, qui n’ a pas de programme, qui ne note pas, mes "interventions" ne s’élèvent pas à la dignité de "cours".
Je n’en ressens pas de frustration particulière, pourtant, une fois assuré mes 18h00 "en présence d’élèves" il me restera à classer, coter, diffuser, prêter, accueuillir, préparer, corriger... et j’en passe.
Bien sûr, la multiplicité des tâches est un enrichissement... Mais pas jusqu’à l’empilement de bricolages vite expédiés. Bien sûr, je n’ai pas d’attrait particulier pour me retrouver en classe avec un programme indéfectible et des notes à rentrer... Mais j’aimerais bien que mon travail soit reconnu, que les collègues cesse de considérer mon emploi du temps comme une barrique à remplir, que l’on cesse de m’interrompre en pleine "intervention" parce qu’il y a une nouvelle qui a besoin, immédiatement bien sur, de manuels et de la fiche qui va avec...
A force de vouloir préserver notre particularisme de prof "sans" (programme, classes...) nous finissons par nous diluer dans d’immondes brouets.


Annick Plénacoste

Dans le même ordre d’idée (qui sommes-nous, que sommes-nous) je viens, en rangeant des documents, de réaliser que la raison d’un petit litige avec l’Iufm, qui dure depuis trois ans, provient du fait qu’ils ont considéré que j’étais "personnel de documentation" au lieu de me classer "enseignant du second degré"... c’est beau hein ?
Chaque année cet Iufm forme, fort brillamment, un peu plus d’une centaine d’élèves au capes doc ou au métier de prof-doc... visiblement la notoriété pédagogique de la formation et de la profession ne passe pas la porte du secrétariat et du service financier.
Comme dirait mon maître à penser : "Étonnant, non ?"


Bernadette COUTURIER professeur documentaliste

Bonjour,

Yves le Coadic est professeur de science de l’information au CNAM, responsable de recherche du master Ingenierie de l’information de la décision et de la connaissance.
Dans le Café Pédagogique n° 18 il disait « Le documentaliste doit être un professeur et avoir accès à une agrégation » à nouveau dans cette intervention il s’inquiète de notre position de professeur ne pouvant accéder à l’agrégation. Il attache de l’importance à une politique documentaire intelligente pour faire vivre l’information dans tous les établissements scolaires, car si nous même sommes aptes à savoir trouver l’information pertinente nous devons surtout apprendre aux autres à en faire de même.
Je reviendrais sur le projet de loi d’orientation pour l’avenir de l’école
- dans le rapport annexé du sénat p. 11/23 il est dit : L’admission à l’agrégation sera valorisée pour l’obtention du diplôme de master et l’adossement de la formation en IUFM aux masters proposés par les universités ainsi que l’inscription des IUFM dans le tissu universitaire favoriseront le développement d’une recherche universitaire de qualité.
Je voudrais savoir si Yves est d’accord avec ces propositions et s’il en saurait plus quant à une éventuelle agrégation pour les professeurs documentalistes (je préciserais en tenant compte de la VAP).
Cordialement


Bruno Devauchelle, CEPEC

Quelques réflexions à propos du texte d’Yves le Coadic :
Déclarer que les fonctions de responsable de la communication ou responsable de système d’information et de documentation d’un établissement scolaire signifient un éloignement de toute préoccupation pédagogique me semble très réducteur, voire inexact. Deux raisons à cela : la première tient à la nature même du fonctionnement d’un établissement scolaire, la deuxième tient à l’approche systémique des organisations.
Toute fonction de communication, d’information ou de documentation dans un établissement scolaire a un objet central : l’activité pédagogique des acteurs de l’établissement. Il me semble que le découpage fait par Yves le Coadic en trois parties doit être mis non pas en juxtaposition mais plutôt en système. L’activité pédagogique d’un acteur de l’établissement ne se réduit absolument pas à l’enseignement disciplinaire même si celui-ci est le repère identitaire majeur, considéré comme unique par certains. Il me semble que participer de la responsabilité de communication, d’information et de documentation d’un établissement inclut une mission pédagogique aux trois niveaux de l’organisation qu’est l’établissement scolaire : les apprentissages des élèves, l’activité d’enseignement des enseignants et la coordination, l’animation et la régulation qu’exerce l’administration sous la responsabilité du proviseur/principal et du CA.
Concevoir les directions de la communication, de l’information, de la documentation d’une organisation comme séparée de ce qui fait le coeur de métier de cette organisation me semble être une vision très analytique du fonctionnement de l’établissement scolaire. Si l’on suit les analyses de Philippe Bernoux ou de Norbert Alter en matière d’organisation et d’innovation on peut difficilement aller dans ce sens si l’on observe de près la vie quotidienne d’un établissement. Quand l’on entend la revendication et demande forte des principaux et proviseurs en matière d’implication dans la conduite pédagogique de l’établissement, et quand on observe les fonctionnements de lycées, on s’aperçoit que si sur le papier les choses peuvent être entendues comme cloisonnées, dans le quotidien de la vie des acteurs cela est impossible. En particulier concernant les documentalistes, cette approche est un choix respectable, mais à mon avis préjudiciable pour l’avenir de la "profession" d’enseignant documentaliste.
Ma lecture du propos d’Yves le Coadic est peut-être imparfaite, je m’en excuse d’avance. J’en retiens en particulier, ce avec quoi je souscrit : l’importance prise par l’information aujourd’hui ne peut pas dispenser le système scolaire de se poser "scientifiquement" la question de sa place dans l’enseignement scolaire. Par contre je ne suis pas sûr que la scolarisation des savoirs soit la meilleure solution à leur pérennité dans l’institution et surtout à l’appropriation par les élèves (cf le problème de la culture cultivée évoquée par Dominique Pasquier dans son ouvrage sur les cultures lycéennes).
À débattre

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