Portrait d’une professeure documentaliste en collège, auteure du blog « Podcasts et Pédago »

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis professeur-documentaliste en collège dans le sud du Tarn. Diplômée de l’Ecole Supérieure d’Audiovisuel de Toulouse, j’ai ensuite dirigé pendant plusieurs années une radio associative dont les locaux étaient en milieu scolaire. J’ai travaillé notamment avec les professeurs-documentalistes qui m’ont fait découvrir un métier passionnant, polyvalent et singulier … et me voilà prof-doc !

Pourquoi avez-vous ouvert votre blog « Podcasts et pedago » ? Quels étaient vos objectifs de départ ? Ont-ils évolué ?

Pendant les 4 ans qui ont suivi le CAPES, j’ai fonctionné comme si je n’avais jamais fait de radio avec, de temps en temps, un projet d’expression orale qui apparaissait soudainement, un peu malgré moi. Une amie prof-doc qui bloguait m’a dit un jour « quand est-ce que tu te lances ? ». J’avais déjà tenu un blog lorsque je travaillais en radio et je savais le travail que cela demandait. De plus, je ne voyais pas ce que je pouvais apporter de plus que les autres blogs de profs-docs. Fin 2011, j’ai fait deux séances sur la radio avec des 5° pour la création d’une émission diffusée par Radio Francas et ça m’a plu de reparler radio ! J’ai réfléchi à la possibilité de faire un projet radio en 6° sur les heures d’IRD … puis de créer un blog sur les podcasts. Tout ça s’est fait de façon logique à un moment où mon expérience professionnelle en radio était nécessaire pour mon travail de professeur-documentaliste. D’ailleurs, je voulais au début, faire partager ce que j’avais fait pour mon mémoire de stage sur les podcasts (car cela demande beaucoup de travail pour ensuite finir dans les archives !) et ce que j’avais appris en travaillant en radio en milieu scolaire, que ce soit des connaissances sur la technique de création–montage-diffusion de podcasts ou sur l’expression orale. L’idée était d’aider des enseignants qui n’osaient pas se lancer dans les podcasts, de leur démontrer que cela était simple, de leur donner le tout petit coup de pouce qui leur manquait pour finir de les convaincre que leur envie de podcasts était une bonne idée. Puis la radio a fait son apparition dans le blog en même temps que le projet radio en 6° que j’explique depuis octobre 2012, séance après séance … et la prof-doc a ensuite pris le dessus : les billets ont pris une tournure plus info-documentaire, plus accès sur l’éducation aux médias … au fur et à mesure que je découvrais à quel point le travail de radio donne du sens aux apprentissages que j’enseigne.
Finalement, le blog est devenu une sorte de réflexion publique sur mes pratiques pédagogiques autour des podcasts.

De quoi a-t-on besoin pour se lancer dans la création de podcasts ? Est-ce compliqué ?

Non, c’est simple et beaucoup plus facile que de faire de la vidéo ou du théâtre avec ses élèves ! Il faut juste acheter … un micro (pas cher. Le mien a coûté 22.71 euros ).
Le reste du matériel est déjà dans les CDI :
• des enceintes pour faire écouter à la classe les podcasts créés
• un ou des casques selon le projet
• un ordinateur
• des élèves

Côté logiciel, il suffit de demander à son administrateur réseau d’installer audacity (logiciel libre et gratuit, le web héberge plusieurs tutoriels de ce logiciel qui est très simple à utiliser) sur son poste ou sur tous les postes (CDI ou salle informatique). Attention, ce logiciel ne s’installe pas en réseau mais poste par poste.

On peut très bien faire des podcasts sans passer par l’étape « montage ». Tous les podcasts n’ont pas pour but d’être diffusés sur une radio mais peuvent être publiés sur l’ENT en mode connecté afin que seuls les élèves de l’établissement les écoutent.

Quelles compétences faut-il pour créer des podcasts avec les élèves ?
Le podcast est une production. Il nécessite plusieurs étapes qui sont maîtrisées par les professeurs-documentalistes :
• La recherche d’informations
• La reformulation (le copier-coller est impossible car les mots des autres sonnent faux dans la bouche d’un élève. De plus, écrire pour l’oral demande de modifier le texte)
• Techniques d’expression orale

C’est la partie technique qui va demander quelques compétences très vite maîtrisées :
• connecter le micro à l’entrée son de la tour de l’ordinateur
• enregistrer le son sur audacity
• enregistrer la piste sonore créée en MP3
• publier le fichier MP3 sur l’ENT, un blog…

Le logiciel audacity est simple :
• Gros bouton rouge : enregistrement
• Le carré : stop
• Les ciseaux : couper
• Fichier / enregistrer le projet sous : permet d’avoir la piste son et le logiciel
• Fichier / exporter comme MP3 : créer le fichier MP3

D’après vous, en quoi un projet radio peut-il participer à l’acquisition d’une culture de l’information ?

La radio, c’est s’informer pour informer quelqu’un. Créer une chronique radio demande le même travail de recherche d’informations que pour réaliser un exposé oral. La différence se situe au niveau de la création médiatique et de son objectif final : l’évaluation du professeur n’est qu’une étape intermédiaire avant la vraie évaluation : celle des auditeurs. L’élève va rechercher l’information pour informer quelqu’un d’autre que son professeur, quelqu’un qu’il ne connaît pas et qu’il ne voit pas. De plus, créer une production médiatique (le podcast) nécessite des compétences informatiques, informationnelles ainsi que des compétences en littératie médiatique (cf le billet " Compétences en littératie médiatique mobilisées lors de la création d’une chronique radio »). Ces compétences sont transférables dans la vie courante de l’élève, que cela soit dans son milieu scolaire ou en tant que citoyen vivant et participant à la vie de la Cité.

Pourquoi créer un projet radio spécifiquement en 6° ?

J’étais en recherche de sens. Je trouvais que les Initiations à la Recherche Documentaire que j’enseignais étaient toujours déconnectées de la réalité scolaire et quotidienne des élèves. Je leur apprenais à utiliser un moteur de recherche, à valider l’information … et après ? Comment faire le lien entre les IRD et la réalité d’un élève ? Comment faire le lien entre les IRD et la réalité d’un jeune citoyen ?
J’ai trouvé le sens à donner grâce au projet radio. Je me sers du média pour enseigner des connaissances et des compétences informatiques, informationnelles et info-documentaires. Par exemple, les élèves devaient trouver certaines informations sur la radio associative qui va diffuser leurs chroniques, ces informations étant dans le site web de la radio. Pour cela, ils avaient d’abord besoin d’apprendre les clés d’accès à l’information dans un site web afin de se repérer dans le site et accéder plus facilement à l’information utile. Cette compétence n’a pas été une finalité de la séance comme je faisais les années précédentes. Elle a été une étape, une compétence développée puis mobilisée pour acquérir des connaissances sur la radio associative. A la fin de la séance, ils connaissaient les clés d’accès à l’information dans un site web, qu’est-ce que cette radio (une radio associative) quand et pourquoi elle a été créée, qui y travaille, où elle diffuse et sur quelle fréquence l’écouter autour du collège.
Ainsi, les séances permettent de développer des compétences en translittératie car les élèves doivent mobiliser des compétences en littératie informationnelle, informatique, numérique afin de développer ensuite des compétences en littératie médiatique.
Je n’ai pas mené de réflexion en amont du projet. J’ai juste eu l’intuition que cela serait plus porteur de sens et j’ai « foncé ». C’est en réfléchissant sur mes séances pour le blog que j’ai créé ce tableau, ou encore celui sur les compétences en littératie médiatique. Je réfléchis maintenant à généraliser ce projet pour les IRD pour toute l’année scolaire 2013-2014.

Quelles autres activités menez-vous ?

Les années précédentes, j’ai proposé des projets de remédiation en lecture dont le podcast était une illustration de lecture à voix haute, ou une production ou un support d’évaluation par l’élève. Certains podcasts étaient aussi créés comme voix off de diaporama d’élèves, ou utilisés comme illustrations pour des séances d’éducation au média radio.
Cette année, le collège a signé une convention de partenariat avec la radio associative R D’Autan qui diffuse sur le Tarn. Comme nous réalisons tout, nous sommes libres de notre organisation et planning. Ainsi, des enseignantes en langues vont créer des podcasts (espagnol et occitan). Les élèves participeront aussi à la création de l’habillage antenne avec choix de la musique et création des éléments verbaux en espagnol. Nous allons aussi travailler en 6° avec un professeur de français, sur des poésies lues à voix haute ( la « bibliothèque poétique sonore en ligne ») avec un groupe d’élèves de 6° en soutien.
Les élèves de 3° option découverte professionnelle 3h vont visiter les locaux de 100% radio, une radio commerciale locale dont les studios sont à Mazamet, et découvrir les métiers de la radio : journaliste, animateur, commercial, programmateur pubs… Ils créeront ensuite des chroniques radio sur des métiers insolites. A cela vont se rajouter une cinquantaine de rubriques créées avec les 6° en IRD dans le cadre du « projet radio 6° ».

Les élèves sont-ils plus motivés que dans des projets plus "classiques" ?

Que ce soit durant mes années radio ou en tant que professeur-documentaliste, je n’ai pas le souvenir d’avoir vu des élèves démotivés avec un projet autour du podcast, que ce soit avec ou sans le média radio. Même les plus réticents, les moins disciplinés, les plus timides produisent un podcast. Je crois que c’est surtout intéressant pour les élèves en difficulté ou qui peinent à trouver du sens dans les apprentissages scolaires. Ce que j’ai pu observer également est l’apport incroyable pour la remédiation en lecture. Les élèves se dépassent, se découvrent et s’étonnent eux-mêmes.
Pourquoi ? La production n’a pas de but scolaire. Elle est diffusée au-delà des murs du collège, l’évaluateur n’est pas que le professeur, et le podcast final, quelle que soit sa qualité reste à jamais une « photographie » de la voix de l’élève à un moment donné de sa vie. La voix, c’est une partie de son identité et je crois que c’est pour cela que la création de podcasts donne du sens aux apprentissages. C’est une partie d’eux qu’ils donnent à entendre.

Pourriez-vous nous conseiller une idée d’activité facile à mettre en place pour quelqu’un qui veut tester ?

Le plus simple et le plus rapide est la lecture à voix haute et l’enregistrement de poésies courtes créées par les élèves. Cela peut se faire en 2 séances :
1ère heure :
Chaque élève vient lire sa poésie devant le micro. Il a créé la poésie donc il a le rythme et le ton en tête même si le texte écrit est approximatif.
2ème heure :
Ecoute des poésies. Les élèves donnent leurs avis sur ce qu’ils entendent. Pour certains, ils découvrent leur voix pour la première fois. Pour d’autres, ils se rendent compte qu’ils ne lisent pas si mal que cela. Certaines poésies maladroites sur le papier peuvent s’avérer très jolies à l’oral.
C’est un projet qui ne nécessite aucun travail écrit de préparation ni montage. L’objectif est de prendre du plaisir à lire à voix haute et de s’écouter pour progresser. C’est un exercice également de remédiation en lecture.

Pour la semaine de la presse, avez-vous prévu une activité spécifique ?

J’ai inscrit le collège pour participer à « raconter une photo de presse » organisé par le CRDP du Tarn. Le projet se fera avec des classes de 4° et un professeur d’histoire-géographie.
Quant aux 6°, la fin du mois de mars correspondra pour la majorité des groupes, au travail de la voix, à l’écriture journalistique pour ensuite, en avril, enregistrer les premières chroniques radio.

Une conclusion ?

Nous, professeurs-documentalistes, avons la chance de pouvoir travailler en fonction de ce que nous sommes en tant qu’individus, ce qui nous permet d’avoir chacun notre spécialité : je suis plutôt « audiovisuel » quand d’autres vont être « littérature », ou « identité numérique » ou « outils web » … J’ai créé un blog sur les podcasts et je fais des projets radio. Certainement que dans quelques années, je ferai autre chose. Pendant ce temps, des collègues professeurs-documentalistes créent des projets en utilisant les derniers outils du web, des défis à partir de réseau social de livres et de lecteurs, des jeux de rôles virtuels ...
Nous sommes libres de créer nos pratiques pédagogiques car notre matière première, l’information, est mouvante, sans cesse en évolution, en métamorphose. Les médias motivent et accompagnent ces changement en évoluant également : la radio, la télévision, la presse et le web ( en pleine création). Et nous sommes là pour aider les élèves à comprendre, à accompagner et à participer à ces évolutions en tant que citoyens, de la meilleure façon que nous pensons possible.
N’est-ce pas un métier formidable !